Quelque chose d’inhabituel

Suite du compte-rendu du Conseil municipal du 16 février 2023 à Saint Gratien

Dossier le plus important de ce Conseil à l’ordre du jour léger : nous votons contre l’adhésion de la ville au dispositif « Voisins Vigilants et Solidaires », car nous sommes opposés à ce système.

Le principe a été initié par Sarkozy en 2011 sous couvert de « participation citoyenne ». La méthode a été reprise par « Voisins Vigilants et Solidaires » qui est un dispositif payant et privé. L’entreprise est un acteur privé du marché de la sécurité et elle fait de la surveillance une source de profit. En fait, on instaure une surveillance privatisée.

Pour transformer les citoyens en informateurs, « VVS » propose une plateforme de mise en lien par SMS, mail entre citoyens, mairie et services de police ou de gendarmerie via une application, ainsi qu’une signalétique. La ville va acheter des panneaux estampillés « voisins vigilants » pour 85€ pièce, et il existe des autocollants à 5 euros. Vous savez, un gros œil noir sur fond jaune, censé fait fuir les cambrioleurs à sa simple vue…

Le rapport présenté au Conseil fait aussi allusion à la « participation citoyenne »… De quoi entretenir le flou entre les dispositifs, l’un public et un minimum encadré, l’autre porté par une société privée, avec son site « voisinsvigilants.org »… 

Voisins vigilants : on a ajouté « solidaires » pour être plus attractif et adoucir l’image mais finalement, on se surveille ou on s’entraide ? Rien à voir entre les deux volets. L’un joue sur la confiance entre les individus et l’autre sur la méfiance. Le mélange de deux notions antagonistes a peu de chance de fonctionner. 

À notre connaissance (et personne ne nous démentira ce 16 février), aucun bilan national n’a été dressé de ce dispositif, de son efficacité et des éventuels problèmes qu’il pourrait poser. Difficile de tirer des conclusions, faute d’une évaluation systématique et rigoureuse.

Les cambriolages auraient baissé de 40 % après l’installation de tels dispositifs, nous dit le document du Conseil. Problème : c’est aussi l’argument de vente massue de « VVS ». Pourtant « VVS » reconnaît aussi : « Il ne peut pas y avoir de retour statistique sur notre activité. La délinquance peut baisser, mais ça ne serait pas honnête d’imputer directement ces résultats aux Voisins Vigilants. » Ce qui ne les empêche pas d’inscrire en page d’accueil du site la promesse ambitieuse : « -40% de cambriolages ». Chiffre curieusement repris dans notre rapport municipal « une baisse de 20 à 40% » ! Où ? Quelles études ? Quelles statistiques ? On sait que les cambriolages par exemple ont lieu par vague quand les cambrioleurs écument un quartier. Ensuite, ils se font arrêter ou vont ailleurs : la délinquance baisse ici et va monter ailleurs. Comment attribuer ce phénomène à « VVS » ? 

On nous dit encore que le « sentiment d’insécurité » des habitants aurait baissé et le lien social aurait progressé dans les villes avec « VVS ». Or, mesurer la perception du sentiment d’insécurité est particulièrement complexe, même pour des chercheurs et chercheuses spécialisées dans ce domaine. Sans enquête rigoureuse, il apparaît impossible de donner une information fiable sur le sentiment d’insécurité.

Quant au lien social que générerait les communautés numériques de voisins vigilants, il nous laisse perplexe. Le site de « VVS » est d’ailleurs quasi muet sur l’entraide entre voisins. Oui à une plate-forme d’échanges de services (mais pas besoin de « VVS » pour ça, on l’avait proposé en 2020) mais non à un dispositif qui génère de l’anxiété et contribue à faire monter le « sentiment » d’insécurité. Voir partout afficher le gros œil noir est déjà en soi anxiogène !   

Pour nous, la sécurité doit rester de la responsabilité des forces de police publiques, seules à même d’exercer les missions de prévention, répression, enquêtes… c’est à elles que l’État doit donner les moyens d’assurer une protection efficace des citoyens. La surveillance n’est pas un acte banal et doit être assuré par des professionnels de la sécurité.

Nous demandons des précisions sur certains points. Malheureusement peu de réponses ou peu convaincantes.  

Pour que le voisin devienne « vigilant », son profil doit être validé. Par qui ? Selon quels critères ? Y a-t-il constitution d’un fichier ? Les données sont-elles gardées pendant 5 ans ?

Que sont les services « partagés » promis dans le rapport, du type : covoiturage, entraide… ?

Nous lisons sur le site de « VVS » ce qui suit :

Être voisin vigilant :

Chaque voisin s’inscrit gratuitement et de façon sécurisée sur le site dédié à ce dispositif, son profil est validé, il agit sous sa propre identité. Il est alors en lien avec ses voisins et la mairie et peut envoyer un SMS depuis un numéro centralisé s’il remarque quelque chose d’inhabituel. Il peut aussi partager des services conviviaux (covoiturage, entraide…).

Mais un clic sur ce lien « entraide »

renvoie sur l’intitulé « réduisez efficacement l’insécurité »,

soit les mêmes services que l’onglet « sécurité »… L’onglet « convivialité » renvoie à la même chose..

Quant à savoir ce qu’est « quelque chose d’inhabituel »…

Nul doute que la ville fera une communication importante sur l’implantation de « VVS ». Certain·e·s auront peut-être l’impression que la ville agit pour lutter contre « l’insécurité ». Quelle illusion !

Pour notre part, nous pensons qu’instaurer un dispositif de soutien scolaire (voir billet précédent) aurait été autrement utile aux Gratiennois·e·s.  

4 réflexions sur “Quelque chose d’inhabituel

  1. article 213 du Code pénal

    …Pour transformer les citoyens en informateurs, « VVS » propose une plateforme de mise en lien par SMS, mail entre citoyens, mairie et services de police ou de gendarmerie via une application, ainsi qu’une signalétique…

    …Après VVS, bientôt le déploiement de la STASI à StGratien ?

    …les missions comprenaient le contrôle des organisations de masse et le démantèlement et la scission ciblés de cercles d’opposition potentiels, tels que les intellectuels, les dissidents, ainsi que l’église et ses groupes de jeunes. Elle comprenait également une surveillance étendue des citoyens de la RDA et, dans certains cas, de leurs proches hors de la RDA, au mépris de leurs droits civils. Cela se faisait, entre autres, en espionnant, en censurant la presse et les films et en supprimant la liberté d’expression.

    Le service de renseignement intérieur était également responsable des enquêtes et de la détention provisoire en cas d’infractions pénales telles que les tentatives de fuite hors de la république, conformément à l’article 213 du Code pénal de la RDA (appelé là à partir de 1968 « passage illégal de la frontière ») et de l’agitation anti-subversive…

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Minist%C3%A8re_de_la_S%C3%A9curit%C3%A9_d%27%C3%89tat#/media/Fichier:Emblem_of_the_Stasi.svg

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