Un bouclier pour les collectivités

Les collectivités locales sont confrontées à une envolée sans précédent des prix du gaz et de l’électricité. Comment faire face ?

Proposition de loi du groupe communiste au Sénat

Par Céline Brulin, sénatrice de Seine-Maritime

Les prix de l’énergie s’emballent et les citoyens comme nos collectivités locales voient leurs factures exploser. 345 € le MWh en août 2022 contre 38 € l’année dernière pour le gaz, 1 000 € le MWh contre 40 € au début de l’année 2021 pour l’électricité…

Comme les usagers, les collectivités risquent de se retrouver dans une précarité énergétique, face à des choix cornéliens : fermer des équipements, éteindre l’éclairage public, baisser le chauffage ou interrompre des services publics locaux.

Beaucoup d’élus s’y refusent, mais combien de temps tiendront-ils, alors que les budgets sont aussi impactés par la hausse des denrées alimentaires ou le coût des matériaux de construction que travaux et réalisations d’équipement de 30 à 50 % ?     

Après plusieurs mois d’interpellation, le gouvernement a enfin consenti à mettre en place un « filet de sécurité » pour les collectivités, puis un « amortisseur », beaucoup d’entre elles ne pouvant pas bénéficier du bouclier tarifaire qui s’applique aux ménages car celui-ci est basé sur les tarifs réglementés de vente de l’énergie. Mais ces dispositifs sont de véritables « usines à gaz » et bien peu de collectivités vont pouvoir réellement y avoir accès.

Aujourd’hui, seules les communes de moins de 10 salariés ou 2 millions d’€ de recettes peuvent encore prétendre aux tarifs réglementés de l’électricité. Plus aucune à ceux du gaz, ces tarifs réglementés devant s’éteindre pour tous, y compris les particuliers, en juillet 2023.

La libéralisation du secteur de l’énergie, avec la construction du marché européen liant le prix de l’électricité à celui du gaz, nous conduisent à l’emballement des prix que nous connaissons aujourd’hui avec des augmentations comprises entre 30 à 300 %, pouvant aller jusqu’à plusieurs millions d’euros.

Cette situation est intenable. Face à ce raz-de-marée, il faut construire des digues solides en obtenant du gouvernement un soutien plus important et plus simple de l’État face à l’urgence budgétaire que connaissent les collectivités. En gagnant aussi des mesures structurelles.

Parce que l’énergie est un produit de première nécessité, il est impératif que les collectivités locales puissent revenir au tarif réglementé de vente de l’électricité et du gaz dont la première finalité était la protection des usagers, de tous les usagers.

C’est le sens du 1er article de la proposition de loi que les sénateurs du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE) mettent en débat dans le cadre de leur « niche », le 7 décembre prochain. Cela permettrait à l’ensemble des collectivités territoriales d’accéder au bouclier tarifaire, par l’accès à un tarif réglementé de vente de l’électricité décorrélé des prix du marché.

Nous proposons également, dans ce texte, d’abandonner l’extinction programmée du tarif réglementé de vente du gaz afin que chacun, citoyen comme collectivité, puisse en bénéficier.

Nous ferons ainsi entendre au Sénat la nécessité d’une intervention publique dans ce secteur hautement stratégique.

Notre électricité est chère… Mais pourquoi ? (4)

C’est certes un peu ardu à lire… mais il est tellement essentiel de comprendre pourquoi il y a aujourd’hui une crise de l’énergie qui plonge de nombreux ménages dans des difficultés importantes et qui met les collectivités au bord du gouffre…. Cela vaut le coup de prendre cinq minutes pour découvrir cet article d’Alain Tournebise, paru dans le numéro de septembre/octobre 2022 de la revue économique du PCF, « Économie et Politique ».

La suite..

Les tarifs de vente aux particuliers

Ces quelques rappels avaient pour but d’identifier les éléments principaux qui pèsent sur le prix final aux consommateurs : prix de gros, ARENH, capacité. Mais il en est deux autres tout aussi important : l’acheminement et les taxes ou contributions. Toute facture d’électricité, qu’elle soit en offre de marché ou au tarif régulé, se décompose en trois postes : fourniture d’énergie, acheminement de cette énergie et taxes diverses. Ainsi, à fin 2021, la facture d’électricité au tarif règlementé pouvait se décomposer en trois postes à peu près égaux.

Chacune de ces composantes contribue donc à l’évolution des tarifs règlementés.

Commençons par l’acheminement. Un commercialisateur qui achète de l’électricité à un producteur pour la revendre à un client final doit non seulement payer l’énergie qu’il achète au producteur et encaisser le prix de cette énergie auprès de son client, mais aussi payer un service de transport pour acheminer l’électricité depuis la centrale qui produit, et un service de distribution pour délivrer l’énergie jusqu’au client final et la compter. Dans le cas d’installations de production raccordées au réseau de distribution, comme les éoliennes, seul le service d’utilisation du réseau de distribution est à payer.

Le prix à payer pour l’utilisation des réseaux est appelé TURPE (Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Électricité).

Comment est établi le TURPE ? Sans trop entrer dans le détail, le tarif est le même sur l’ensemble du territoire (péréquation) ; il est indépendant de la distance entre le point d’injection et le point de soutirage (tarif « timbre-poste »). Il dépend essentiellement du niveau de tension des réseaux empruntés et de la tranche horaire.

Il est établi par la CRE pour couvrir les charges d’exploitation et de capital du réseau, les coûts de gestion des contrats, les coûts de comptage et les coûts liés à la compensation des pertes.

Or le TURPE a notablement contribué, lui aussi, à la hausse des tarifs règlementés puisqu’il a augmenté de plus de 30 % depuis 2008, notamment en raison d’investissements très importants pour interconnecter les pays européens et développer l’intégration du marché

Augmentation annuelle du TURPE en % annuel depuis 2008

La composante « fourniture » est celle qui a le plus augmenté au cours des dernières années et notamment au cours des derniers mois. Mais cette augmentation ne doit rien à la règlementation européenne. C’est la loi NOME, adoptée, en 2010 qui a modifié l’esprit des tarifs règlementés et de leur construction.

 Désormais, il ne s’agit plus d’assurer un prix reflétant les coûts de production d’EDF, mais, comme le mentionnent les attendus de la loi : un prix qui « vise à garantir la « contestabilité » des TRVE, qui se définit comme « la faculté pour un opérateur concurrent d’EDF présent ou entrant sur le marché de la fourniture d’électricité de proposer, sur ce marché, des offres à prix égaux ou inférieurs aux tarifs réglementés ». Autrement dit, les tarifs règlementés sont calés à un niveau suffisamment élevé pour que n’importe quel fournisseur alternatif soit en mesure de proposer une offre de marché à un prix plus concurrentiel que celui d’EDF et donc, in fine, pour inciter les consommateurs à quitter le tarif règlementé.

Pour ce faire, la CRE a élaboré une formule reflétant les coûts d’approvisionnement non pas d’EDF, mais d’un fournisseur alternatif moyen. Elle a donc introduit dans la composante « fourniture » une part reflétant les prix du marché de gros. C’est cette part qui a explosé au cours des derniers mois en raison de la crise des prix du gaz (et de l’indisponibilité du nucléaire en France) conduisant les tarifs règlementés à augmenter de près de 45 % !

Enfin, près d’un tiers de la facture des consommateurs au tarif règlementé est constitué de taxes, et contributions, parmi lesquelles la plus importante, outre l’inévitable TVA, est la contribution au service public de l’électricité (CSPE). Entre 2003 et 2016 le taux de CSPE est passé de 3,3 euros à 22,5 euros le MWh. Mais, direz-vous, s’il s’agit de financer le service public, pourquoi pas ?

Las ! Le législateur qui a instauré la CSPE a une conception toute personnelle du service public. Initialement destinée, en effet, à financer la continuité du service public, notamment l’unicité des tarifs dans les zones non interconnectées (DOM TOM en particulier), son objet a été profondément modifié dès 2003 pour y inclure les charges supportées par EDF pour l’obligation acheter l’électricité produite par les énergies renouvelables : éolien, solaire, biomasse etc. Autrement dit, est considéré comme un élément de service public le soutien aux profits des producteurs d’électricité renouvelables.

Désormais, les « charges de service public » regroupent les surcoûts résultant des mécanismes de soutien aux énergies renouvelables et à la cogénération, les surcoûts liés à la péréquation tarifaire dans les zones non interconnectées (ZNI), les surcoûts liés à certains dispositifs sociaux bénéficiant aux ménages en situation de précarité et d’autres moins significatifs.

En 2020, les charges de services public représentaient un montant de 8,7 milliards d’euros et dans ce total le soutien aux énergies renouvelables représentait environ les deux tiers.

De 2003 à 2015, les charges de service public étaient entièrement compensées par la CSPE, donc payées par le consommateur d’électricité. En raison du développement important des énergies renouvelables favorisées par ce dispositif particulièrement avantageux, la CSPE a littéralement explosé.  À ce rythme, la CRE envisageait même une multiplication par dix de son taux d’ici à 2025.

Évolution des charges et de la contribution unitaire entre 2003 et 2025 prévues par la CRE en 2014

Au point que le gouvernement a dû prendre, en 2015, des mesures de bidouillage fiscal pour en limiter la hausse, ou plutôt pour la rendre moins visible. La contribution au service public de l’électricité (CSPE), la contribution au tarif spécial de solidarité (CTSS) et la contribution biométhane ont été supprimées pour les consommations postérieures au 31 décembre 2015. Ces suppressions ont été compensées à partir de 2016 par une redéfinition de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) rebaptisée CSPE et une augmentation de la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (TICGN).

Le financement des charges de service public de l’énergie a également été étendu à une part de la taxe intérieure sur les produits énergétiques (TICPE) qui porte sur les produits pétroliers, et de la taxe intérieure sur la consommation de charbon (TICC),

Ces mesures ont permis de limiter la CSPE, fixée en 2016 à 22,5 €/MWh (inchangée jusqu’au 31 décembre 2021) et d’étaler le financement des charges de service public sur l’ensemble des consommateurs d’énergie (hydrocarbures compris) et plus seulement sur les seuls consommateurs d’électricité.

Le bouclier fiscal décidé par le gouvernement au début de 2021 et limitant l’augmentation des prix à 4 %, est financé par la réduction de la CSPE à son taux minimal légal d’1 €/MWh au lieu des 22,5 €/MWh

En conclusion, la flambée des prix de l’électricité observée depuis quelques mois n’est pas seulement le résultat du fonctionnement d’un marché de gros européen « obsolète » trop lié aux prix du gaz et dont il suffirait de modifier les règles pour revenir à la normale. Elle est la conjonction des mesures destructrices qui ont été prises depuis vingt ans pour introduire artificiellement la concurrence dans un secteur où le monopole public avait fait la preuve de son efficacité, et du retard pris à moderniser et développer un parc nucléaire efficient. En fait, seule une part très minoritaire des échanges d’électricité se font sur le marché de gros en France, mais les mécanismes de marché qui ont été inventés et généralisés dans le fonctionnement du système électrique se réfèrent aux prix de gros et contribuent ainsi à diffuser l’instabilité inhérente aux prix de marché dans tous les compartiments du secteur électrique.

Lire l’article intégral avec ses annexes sur le site d’Économie et Politique

Notre électricité est chère… Mais pourquoi ? (3)

C’est certes un peu ardu à lire… mais il est tellement essentiel de comprendre pourquoi il y a aujourd’hui une crise de l’énergie qui plonge de nombreux ménages dans des difficultés importantes et qui met les collectivités au bord du gouffre…. Cela vaut le coup de prendre cinq minutes pour découvrir cet article d’Alain Tournebise, paru dans le numéro de septembre/octobre 2022 de la revue économique du PCF, « Économie et Politique ».

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Qu’est-ce que ce marché de gros de l’électricité ?

En fait, de même qu’il existe plusieurs places de marché pour les actions, il existe plusieurs marchés de gros de l’électricité. On devrait donc parler non pas « du » mais « d’un » marché de gros de l’électricité. La plus grande plateforme de marché en Europe est EPEX Spot, de droit allemand, à laquelle ont accès les acteurs de 12 pays différents dont la France. Mais d’autres Bourses sont actives sur le territoire français, par exemple NordPool, marché de gros initialement centré sur les pays scandinaves.

Un marché de gros est une plateforme informatique (analogue à la Bourse des valeurs où sont négociées les actions) sur laquelle les participants déposent, chaque jour pour le jour suivant, des ordres d’achat ou de vente d’électricité. D’où son nom de marché Day ahead, encore appelé « marché spot ».

D’un côté, des demandeurs (le plus souvent des fournisseurs ou revendeurs qui en ont besoin pour alimenter leurs clients) expriment des besoins d’électricité en grande quantité soit heure par heure, soit sous forme de « blocs », c’est -à-dire une certaine puissance pendant un certain nombre d’heures, à un instant donné de la journée. Ces demandes sont faites à un prix d’achat reflétant principalement l’heure de la journée à laquelle ils s’appliquent.

De l’autre, des offreurs qui proposent eux aussi des blocs à des prix qui, in fine, reflètent la nature du combustible de production de l’électricité proposée : charbon, gaz, hydraulique…

 Les ordres sont enregistrés par les acteurs du marché avant la clôture du carnet d’ordres à 12h00. Sur la base des ordres d’achat, l’opérateur de Bourse lance un algorithme d’appairage qui établit une courbe de demande, basée sur les ordres de vente, et une courbe d’offre pour chaque heure du jour suivant. Le prix de compensation du marché (MCP), qui équilibre l’offre et la demande, se trouve à l’intersection des deux courbes et reflète le coût marginal de production.

Accessoirement, la place de marché assure également le règlement financier des échanges. Mais les échanges physiques du lendemain, eux, sont assurés par RTE qui veille ce qu’à chaque instant la consommation d’électricité soit bien assurée par une production suffisante.

Mais le marché de gros est très insuffisant pour fournir l’électricité nécessaire aux fournisseurs alternatifs pour se sourcer et satisfaire leurs clients. Les acteurs du marché de l’électricité préfèrent des échanges de gré à gré, plus sûrs et à des prix mieux maitrisés. C’est pour cette raison qu’en France, seul un tiers des échanges d’électricité se font sur le marché de gros. En outre, les quantités d’électricité qui s’y échangent viennent surtout des productions les plus chères : charbon et hydrocarbures et ne permettent donc pas aux commercialisateurs des marges suffisamment rémunératrices. C’est pourquoi on a considéré que cette limitation constituait un obstacle au développement de la concurrence et qu’il était nécessaire que les fournisseurs alternatifs aient dans leur portefeuille une offre d’électricité en base. C’est ce qui a conduit le gouvernement Fillon en 2010 à mettre en place le dispositif d’Accès Régulé à l’Énergie Nucléaire Historique (ARENH).

Ce dispositif permet aux fournisseurs alternatifs, depuis le 1er juillet 2011 et jusqu’au 31 décembre 2025, d’acheter à un prix particulièrement intéressant l’électricité produite par les centrales nucléaires historiques d’EDF situées sur le territoire national, en obligeant EDF à céder cette électricité à un prix fixé par décret. Depuis le 1er janvier 2012 et jusqu’à fin 2021, le volume total de ce cadeau a représenté 100TWh annuels, soit plus du quart de la production nucléaire, cédés à un prix de 42 € / MWh qui n’a pas évolué depuis 2012, malgré l’augmentation continue des coûts de production du nucléaire sur la période (+ 46 % entre 2011 et 2021.

L’enfer étant pavé de bonnes intentions, les fournisseurs alternatifs étaient supposés répercuter ces faibles coûts d’approvisionnement sur leur propre clientèle. Pour cette raison, la loi prévoyait que les fournisseurs éligibles à l’ARENH devaient faire la demande d’une quantité fonction de l’importance de leur portefeuille de clients. Si le total des demandes excédait le plafond (aujourd’hui 120 TWh) alors, les demandes étaient écrêtées pour redescendre à ce plafond. Ex post, la commission de régulation de l’énergie (CRE) est en charge de vérifier que la demande de chaque fournisseur est bien conforme à la quantité que lui permet l’importance de sa clientèle. Or, lors de son dernier rapport de contrôle, la CRE a constaté que plus de 60 % des demandes d’ARENH étaient excessives.

L’impact le plus important de l’ARENH est évidemment celui sur la santé financière d’EDF. Pour l’entreprise, l’ARENH, contrairement aux intentions affichées, ne couvre même pas ses coûts de production nucléaire. Pour sa part, la CRE estime que les coûts de production sont correctement couverts mais la Cour des comptes est moins affirmative, même si elle estime que les coûts de production d’EDF sont couverts par l’ARENH, au moins selon une appréciation strictement comptable, c’est-à-dire sans prendre en compte les coûts de développement

 Consciente de la difficulté du problème, la Cour reste toutefois prudente : «la rémunération de cette filière est toutefois dépendante de paramètres difficilement pilotables, y compris les effets de l’écrêtement, ce qui ne permet pas au dispositif de l’ARENH de garantir la couverture des coûts ».

En revanche, la Cour des comptes a estimé clairement « qu’en l’absence d’ARENH, les revenus du nucléaire, sur l’ensemble de la période 2011-2021, auraient excédé les coûts comptables d’environ 7 milliards d’euros sur la période. L’ARENH a ainsi limité les revenus du producteur nucléaire ». On imagine assez bien l’impact négatif que cette disposition a pu avoir sur la capacité d’investissement d’EDF et donc sur le renouvellement du parc nucléaire.

La situation s’est compliquée fin 2021 avec la hausse brutale des prix de gros qui ont entraîné un approvisionnement plus coûteux pour les fournisseurs alternatifs. Le gouvernement s’est donc empressé de voler à leur secours au détriment d’EDF en relevant à partir de 2022 à 120 TWh la quantité d’électricité cédée dans le cadre de l’ARENH, avec, il est vrai, une petite compensation en relevant le prix de vente obligé à 46 € /MWh (depuis, l’Assemblée nationale a porté ce prix à 49,5 euros contre l’avis du gouvernement). Cette augmentation a eu un effet encore plus pervers que les années précédentes, puisqu’elle coïncide avec une baisse historique de la production nucléaire française (fin juillet, 30 sur les 56 réacteurs français étaient à l’arrêt, 18 pour maintenance programmée et 12 pour des problèmes de corrosion). EDF a donc dû avoir un recours accru au marché de gros. Dans ses comptes semestriels publiés en juillet, EDF évalue à 10 milliards d’euros les conséquences financières de ces nouvelles mesures.

À suivre…

Notre électricité est chère… Mais pourquoi ? (2)

C’est certes un peu ardu à lire… mais il est tellement essentiel de comprendre pourquoi il y a aujourd’hui une crise de l’énergie qui plonge de nombreux ménages dans des difficultés importantes et qui met les collectivités au bord du gouffre…. Cela vaut le coup de prendre cinq minutes pour découvrir cet article d’Alain Tournebise, paru dans le numéro de septembre/octobre 2022 de la revue économique du PCF, « Économie et Politique ».

La suite….

Un peu d’histoire

Naguère, à peu près partout dans le monde, le système électrique était exploité par un monopole, monstruosité absolue pour tout économiste libéral. Qui plus est, ce monopole était intégré, c’est-à-dire en charge de la production d’électricité, de son transport à grande distance et de sa distribution aux clients finals. Pas supplémentaire dans l’horreur économique, ce monopole était le plus souvent public, comme en France avec EDF.

Il n’en reste pas moins que pour des multinationales en recherche permanente de nouvelles sources de profit, cette appropriation publique d’un secteur porteur constituait un gâchis terrible. Dès les années 80, sous l’impulsion politique de Reagan et Thatcher, une brochette d’économistes s’est attelée à théoriser l’inefficacité du monopole public, les bienfaits du marché et – déjà – du ruissellement des profits pour le bien être des consommateurs.

S’en est suivie une vague de privatisation et de mercantilisation de l’industrie électrique qui, très rapidement – les mêmes causes produisant les même effets – a renvoyé le secteur électrique à ses démons d’avant-guerre : prix élevés, sous-investissements, fiabilité déficiente.

Pour libéraliser le secteur on a d’abord dissocié les trois principales fonctions : production, acheminement par les réseaux et commercialisation.

On a abrogé le monopole de production en permettant à tout un chacun de produire de l’électricité. On a séparé les réseaux d’acheminement des autres fonctions de production et de commercialisation, Parallèlement, on a permis aux gros clients et aux commercialisateurs d’acheter ou de vendre directement de l’électricité en utilisant les réseaux moyennant redevance. C’est l’accès des tiers au réseau ou ATR.

 Ainsi, là où il y avait un seul opérateur, on a multiplié les producteurs (en France EDF, Engie, Total et plusieurs dizaines de petits producteurs d’électricité renouvelable mais aussi des producteurs produisant dans des pays voisins et exportant en France). On a créé des gestionnaires de réseau (RTE pour le transport en haute tension et Enedis pour la distribution en basse tension).  Ces réseaux constituant des monopoles naturels, ils doivent, dans la doxa libérale, être régulés, c’est-à-dire que leurs prix doivent être contrôlés, voire fixés, par une entité pour éviter tout abus de position dominante. Dans la plupart des pays, cette mission a été confiée à un régulateur extérieur « indépendant », en France, la CRE (Commission de Régulation de l’Énergie.)

 Enfin, des « commercialisateurs ou fournisseurs » (grossistes ou épiciers) qui vendent au consommateur final de l’électricité qu’ils produisent ou qu’ils achètent en gros à d’autres. Tous ces braves gens ne travaillant pas pour rien, cette pandémie a considérablement alourdi les coûts de l’électricité pour le consommateur final.

Comment se déroulent les échanges d’électricité en France dans ce schéma désormais ?

Depuis 2007, le consommateur final d’électricité est « libre » de choisir à qui acheter son électricité : c’est son « fournisseur ». Ce fournisseur peut être un producteur qui vend ainsi son électricité directement à son client (de gré à gré). En France, aujourd’hui la grande majorité des échanges ont lieu ainsi. Mais il peut aussi choisir d’acheter son électricité à un revendeur qui ne produit pas son électricité, mais qui l’achète en gros sur le marché et la revend au détail. C’est ainsi qu’on a vu se multiplier les fournisseurs dits « alternatifs » et se développer des offres exotiques telles que celles de Leclerc qui ristourne 20 % du tarif EDF en… bons d’achats !

Pour permettre ce développement du mercantilisme électrique, on a instauré deux dispositifs : le marché de gros et l’ARENH.

À suivre…

Notre électricité est chère….  Mais pourquoi ? (1)

C’est certes un peu ardu à lire… mais il est tellement essentiel de comprendre pourquoi il y a aujourd’hui une crise de l’énergie qui plonge de nombreux ménages dans des difficultés importantes et qui met les collectivités au bord du gouffre…. Cela vaut le coup de prendre cinq minutes pour découvrir cet article d’Alain Tournebise, paru dans le numéro de septembre/octobre 2022 de la revue économique du PCF, « Économie et Politique ».

Flambée des prix de l’électricité : le marché, mais pas que

Depuis plusieurs mois, les prix de l’électricité ont crû de manière quasi incontrôlable, au point que même Bruno Le Maire s’en est ému en mettant cette flambée sur le compte du marché unique européen, jugé « aberrant » et « obsolète ». Car l’augmentation des prix de l’électricité ne date pas de 2021, et, plus qu’au seul marché européen de l’électricité, elle est due à la déstructuration du secteur, à sa privatisation et à un certain nombre de dispositifs bien franco-français instaurés par la loi NOME sur la nouvelle organisation du marché de l’électricité. Une loi adoptée en 2010, proposée par le gouvernement Fillon dont faisait partie un certain… Bruno Le Maire.

Depuis plusieurs mois, les prix de l’électricité ont crû de manière quasi incontrôlable. Mais si le phénomène a été brutal au cours du dernier semestre, il est tout sauf nouveau. Les prix de l’électricité n’ont cessé de croître depuis maintenant plus de dix ans, c’est-à-dire depuis la libéralisation du secteur électrique en France. L’évolution de la facture moyenne d’un petit consommateur résidentiel en témoigne

Mais de quels prix parle-t-on ? En fait, il existe trois systèmes de prix.

 Les prix de gros qui concernent les fournisseurs d’électricité ou certains très gros consommateurs et sont établis par l’offre et la demande sur le marché de gros. Les prix de gros ont littéralement explosé au cours du dernier semestre. Alors que depuis 2010, ils oscillaient autour de 50 €/MWh, avec des points bas à moins de 30 euros de 2016 à 2018, ils atteignent aujourd’hui régulièrement les 500 euros.

Évolution des prix de gros de l’électricité depuis 2008

Évolution des prix de gros depuis un an

Les prix de détail qui concernent le consommateur final, industriel, tertiaire ou résidentiel et qui sont de deux natures :

  • les prix librement fixés et proposés par les fournisseurs d’électricité en fonction de la nature de l’électricité qu’ils vendent, de leurs coûts et de leur stratégie concurrentielle (électricité « verte », coopératives, à prix fixes, à prix variables etc.). Ce sont les offres dites « de marché » ;
  • les tarifs règlementés de vente d’électricité (TRVE) proposés seulement par EDF (et quelques anciennes régies), qui, à l’origine, étaient censés refléter les coûts de production d’EDF, donc essentiellement nucléaire, et faire ainsi bénéficier le consommateur français des prix particulièrement bas du mix français. Avec la première loi libéralisant le secteur électrique, adoptée en février 2000 et transposant la directive de 1996, les producteurs et les plus gros consommateurs (les clients « éligibles ») ont obtenu le droit de négocier en direct les prix de l’électricité qu’ils s’échangeaient. Pour les autres consommateurs, les tarifs proposés par EDF ont été maintenus (tarifs « bleus, jaunes et verts », tarifs dit règlementés puisqu’ils étaient élaborés par EDF mais arrêtés par le ministre en charge de l’énergie. Au cours des années qui suivirent, au fur et à mesure de « l’ouverture » du marché, de plus en plus de clients (petite industrie, tertiaire, et même résidentiels) se virent ouvrir le droit à accéder à des offres « de marché » et de moins en moins pouvaient bénéficier des tarifs règlementés. L’objectif étant naturellement de supprimer à termes ces tarifs règlementés. En 2021, environ 22,5 millions de sites résidentiels et 1,55 million de sites « petits professionnels » (environ 70 % des ménages et des « petits professionnels), bénéficiaient de tarifs règlementés.

Les prix de l’électricité au tarif règlementé, qui croissaient lentement jusqu’à 2018 se sont ensuite emballés pour exploser en 2022, ont quasiment cessé d’augmenter depuis. Pourquoi ? Parce que leur mode de calcul a changé. Mais un petit retour en arrière est nécessaire.

Évolution des TRVE depuis 2010 (en €/ MWh). Source CRE

À suivre…

La Coopérative et le meilleur maire du monde

Retour du Congrès national de l’ANECR, 4, 5, 6 novembre 2022, Montreuil

Brève Allocution de Philippe Rio au Congrès de l’ANECR, devenu la « Coopérative des élue-e-s communistes, républicain.e.s et citoyen.ne.s », samedi 5 novembre 2022 à 18h.

Après 3h30 d’échanges cette après-midi avec les élu-e-s PCF et leurs partenaires, autour du thème « Pourquoi une association d’élu-e-s ? », Philippe Rio[1], maire de Grigny et à l’origine de « l’appel de Grigny » issu des premiers états généraux de la politique de la ville, que notre blog avait déjà rencontré et interrogé à l’été 2018 à Angers dans le cadre de l’Université d’été du PCF et avec qui on avait débriefé sur l’apport des élu-e-s communistes au rapport Borloo sur Le plan pour les banlieues, a déclaré ceci :

« Qu’est-ce que cela fait du bien de se retrouver en congrès national en présentiel !

Nous sommes véritablement une force politique, rassemblée ici en association d’élu-e-s – à organiser encore -, et présente sur tout le territoire, ce qui est une des richesses de notre association.

D’intéressant dans ce qui a émergé dans le débat de cette après-midi, c’est la question de la dynamique de notre association. Il y a eu des témoignages sur la conquête, ou la reconquête de territoires par des élu-e-s PCF, je pense à aux départements et nos jeunes représentantes dans la Mayenne et dans le Doubs. Seules élues départementales dans ces départements, qui y sont arrivées avec volonté, ambition et abnégation. Comme quoi c’est possible, elles ont pu y arriver !

J’ai bien aimé aussi les témoignages de nos maires de Bobigny et de Fleury. Ils nous ont narré les ressorts de leur reconquête, ou conquête au regard des débats étymologiques que nous avons eus tout à l’heure.

Un grand coup de chapeau à nos élu-es des régions, sur les questions de la ruralité, qui nous ont dit qu’ils-elles étaient disponibles.

On a travaillé sur des statuts, quelque chose qui est statique a priori, mais on a eu plein  de témoignages qui se sont révélés du ressort de la dynamique. C’est de bonne augure pour la suite du calendrier de notre nouvelle coopérative.

Je vous donne déjà rendez-vous le 23 novembre au congrès des maires de France, où il nous faudra être massivement présents. Ce sera une première urgence dans nos mobilisations. Auprès des maires des communes de France pour faire connaître, avec entre autres notre revue INITIATIVES de nos sénateurs, nos singulières propositions pour faire face à la crise énergétique : qui va payer les factures ? cela ne doit pas être les collectivités, ni leurs habitants. Je vous invite à ce que nous soyons massivement présents. 

Rendez-vous également le 7 décembre, dans le cadre de la niche parlementaire qu’auront nos député-es à l’Assemblée Nationale, et où Fabien Gay aura la charge de défendre une proposition de Loi visant à protéger les collectivités territoriales de la hausse des prix de l’énergie.

L’un de nos premiers travaux portera aussi sur la stratégie d’information et de communication de notre association. Il nous faut développer des outils pour être plus lisibles ; pour être plus visibles. Pour créer du lien entre nous. Pour pouvoir s’inspirer de nos expériences respectives. Je veux que l’on se dote d’outils d’information, de communication, digitaux mais aussi papiers. On en reparle.

À bientôt ! »

Philippe Rio

Prise de note au fil de l’eau et photos : Stéphane BAUER

[1] En 2021, il est présélectionné par la World Mayor Award en vue d’une série de prix récompensant l’action de maires à travers le monde7. Le 14 septembre 2021, il est finalement élu « meilleur maire du monde » par la fondation à but non lucratif. Ce choix est motivé par le fait que le maire de Grigny « a développé une vision positive mais pragmatique dans son combat contre la pauvreté et l’exclusion sociale »

Philippe Rio , maire de Grigny

Prises de parole devant le parvis de la mairie de Montreuil, contre l’augmentation des prix de l’énergie, des denrées pour les cantines, la baisse des moyens et d’autonomie des collectivités…

De dos : Jacqueline Belhomme, Maire de Malakhoff, Fabien Roussel, conseiller municipal de St Amand les Eaux – Secrétaire National du PCF, Ian Brossat, Adjoint au maire de Paris, Olivier Sarrabeyrouse, maire de Noisy-le-Sec

Au centre : Patrice Leclerc, Maire de Gennevilliers

Patrice Bessac, Maire de Montreuil – Cécile Cukierman, conseillère régionale, Pays de Loire

Gilles Leproust, Maire d’Allonnes

Cécile Dumas, FD-PCF 95, dont l’écharpe de conseillère régionale d’IDF a rendu jalouses ses collègues de Bretagne, sans écharpe..

Salle du conseil de Montreuil, lieu du congrès

La plus jeune élue lors du Congrès

Carte pétition à dupliquer pour mobiliser les habitants de nos villes pour un retour au tarif réglementé de l’énergie pour les habitants et les collectivités

 

Du côté de l’espérance

Intervention à l’Assemblée d’André Chassaigne, président du groupe des député.e.s de la Gauche Démocrate et Républicaine (communistes et ultra- marins), suite à la déclaration de politique générale de la Première ministre

Madame la Première ministre, vous n’avez pas, dans cet hémicycle, l’Assemblée que vous espériez. Votre formation politique et vos alliés ne forment plus qu’une majorité relative, très relative. Cette déroute d’un Président de la République privé de majorité absolue n’est pas un accident de parcours. Elle est d’abord l’expression du rejet massif de la méthode de gouvernement qui a prévalu sous le précédent quinquennat.

L’hypertrophie présidentielle a vécu ! Le chef de l’État ne peut donc affirmer que les Français lui ont renouvelé leur confiance « sur le fondement d’un projet clair et en [lui] donnant une légitimité claire ». Il n’a pas de mandat pour imposer son agenda politique.

L’heure n’est plus à l’exercice solitaire du pouvoir ! L’heure n’est plus à l’arrogance et au mépris des revendications populaires. Elle n’est plus aux passages en force, à l’humiliation du Parlement, au pouvoir exorbitant des cabinets de conseil, qui considèrent les êtres humains comme des agrégats statistiques et comme des chiffres à gérer. La démocratie retrouve enfin des couleurs et vous allez devoir apprendre à écouter, à dialoguer, à respecter la représentation nationale et à adopter une attitude constructive. Par ailleurs, vous avez devant vous une Assemblée divisée, à l’image de notre pays que vous avez contribué à fracturer, tout en faisant grandir la peste brune.

Votre politique de défaisance sociale, conduite avec acharnement, a attisé la colère de nos concitoyens, qui assistent à l’effondrement de notre système de santé, au dépeçage de notre système éducatif, au recul des services publics, à la dégradation de l’environnement et de leurs conditions de vie.

À présent, ils ploient sous la hausse de l’inflation, laquelle est tirée par les prix de l’énergie et des matières premières. Mais comment répondez-vous à leurs difficultés ? En multipliant les rustines et en accumulant les petits chèques et les mesures d’urgence inefficaces et sans lendemain.

Comment pourrait-il en être autrement quand le chef de l’État a fixé pour ligne rouge de n’augmenter ni les impôts ni la dette, condamnant votre Gouvernement à l’immobilisme dès l’entame du quinquennat. Vous n’êtes libre que de reprendre d’une main ce que vous donnez de l’autre, pour opérer des coupes sombres dans les dépenses publiques et pour détricoter notre système de protection sociale et de retraite. Nous n’acceptons pas cette politique du pire, qui conjugue injustice sociale, précarité, inaction climatique et recul des services publics.

Nous récusons l’arbitraire de ces fameuses lignes rouges. Nous avons une exigence : revoir de fond en comble notre système fiscal pour garantir une meilleure répartition des richesses et de la valeur, réduire les écarts de revenu, pénaliser la rente financière et améliorer significativement le niveau de vie de l’immense majorité de nos concitoyens. Il nous faut appliquer ce que préconisait l’abbé Pierre, qui soutenait que « le contraire de la misère, ce n’est pas la richesse. Le contraire de la misère, c’est le partage. »

Nous devons aussi remettre en cause les règles budgétaires européennes pour recréer un État qui planifie et investit dans la transition écologique, dans notre système éducatif sacrifié et dans la restauration de notre système de soins, dont l’extrême dégradation tétanise notre peuple à l’aube d’un été que tous les professionnels de santé prédisent comme dramatique en raison du manque de personnels.

L’autre urgence est de revaloriser de manière significative et pérenne les salaires, les pensions et les minima sociaux, mais aussi de bloquer les prix des loyers, des carburants et de l’énergie.

De telles mesures répondent non seulement à une attente de nos concitoyens, mais aussi à une nécessité économique. L’enjeu est ici de favoriser l’accès de tous à une alimentation et à des biens plus durables et de meilleure qualité.

L’urgence est enfin, au niveau international, de promouvoir la paix. Cela passe, en Europe, par la résolution des causes profondes du conflit ukrainien. Nous ne créerons pas les conditions d’une sécurité collective européenne sans remettre en cause la manière dont celle-ci a été construite, sans œuvrer au désarmement et sans nous appuyer sur l’ONU et le respect du droit international.

La même exigence vaut pour le Proche et le Moyen-Orient et le conflit israélo-palestinien. Nous ne le dirons jamais assez : la France doit jouer un rôle moteur, au plan diplomatique, pour récuser le « deux poids, deux mesures » et œuvrer, en toute souveraineté, à la coopération solidaire des nations et des peuples.

Par ailleurs, il ne vous a pas échappé que le groupe que j’ai l’honneur de présider est celui qui accueille en son sein le plus grand nombre de parlementaires d’outre-mer. Ce sont des parlementaires décidés à faire entendre leur voix – voix singulière qu’il vous faudra, elle aussi, apprendre à écouter et à respecter. Sur ces territoires, la situation est gravissime. Se nourrir, se loger, se soigner, se déplacer : tout était déjà plus cher avant la crise. Désormais, les surcoûts explosent. Aux monopoles et duopoles, qui résistent aux lourdes amendes, s’ajoute le fret maritime, dont les tarifs ne semblent plus avoir de limites.

Aucun secteur n’est épargné. Les prix des matières premières flambent. Les consommateurs trinquent. Souvent cité comme un exemple à suivre, le bouclier qualité-prix de La Réunion, qui limite les prix des produits de première nécessité, est lui-même menacé étant donné que les industriels locaux en demandent la révision.

Davantage encore que dans les autres territoires oubliés de la République, nombreux sont nos concitoyens d’outre-mer à survivre sous le seuil de pauvreté. L’inflation amplifiera ces ravages si des mesures fortes ne sont pas prises sans plus attendre. La revalorisation du coefficient géographique est devenue une urgence et ne peut être encore reportée.

Dans ce contexte, le développement des circuits courts et l’objectif d’autonomie alimentaire ont beau être partout préconisés, ils sont aussi entravés. Bien des terres antillaises sont polluées pour des siècles en raison de ce scandale d’État qu’a été l’utilisation massive de chlordécone, tandis que le statut du foncier en Guyane interdit tout développement d’initiative locale. Connaissez-vous un autre territoire de la République où 95 % du foncier relève du patrimoine de l’État, où un agriculteur, un industriel ou un maire est confronté à un foncier abondant, mais rendu rare et cher par cet anachronisme juridico-politique ?

Ces territoires ne doivent plus être placés à la périphérie. C’est pourquoi nous continuerons de porter aussi la voix du peuple polynésien, meurtri par les conséquences des essais nucléaires français.

Je souhaite ici tordre le cou à un réflexe tenace, consistant à assimiler l’outre-mer à une litanie de difficultés. Non seulement ces territoires paient au prix fort des politiques publiques souvent inadaptées, mais ils sont également au cœur des nouveaux enjeux planétaires. Dans ce XXIe siècle à vocation maritime, la France peut se targuer d’être la deuxième puissance maritime mondiale. Longtemps négligée, cette dimension maritime est devenue centrale, comme l’a encore montré la récente conférence des Nations unies sur les océans qui s’est déroulée à Lisbonne. De la même manière, en ce qui concerne l’enjeu vital de la préservation de la biodiversité, la France tire sa force des outre-mer, qui représentent 84 % de la biodiversité française (Mêmes mouvements) , laquelle est plus importante que celle de toute l’Europe continentale.

Mais comment comptez-vous mieux prendre en compte ces difficultés réelles et tenir des promesses qui le sont tout autant en replaçant le ministère des outre-mer sous la tutelle du ministère de l’intérieur, configuration qui, la dernière fois qu’elle a été retenue, avait entraîné la fonte de ses effectifs.

Madame la Première ministre, votre refus de soumettre votre déclaration de politique générale au vote de la représentation nationale traduit le décalage de votre feuille de route avec les attentes du pays. Vous considérez que votre Gouvernement ne tire pas sa légitimité de l’Assemblée nationale, mais encore et toujours du chef de l’État. Cela ne présage rien de bon pour l’avenir de notre pays. C’est pourquoi nous prendrons, pour notre part, toutes nos responsabilités en agissant tant au sein de la NUPES qu’en tant que groupe indépendant, qui est force de proposition et qui a la culture du débat démocratique.

Pour terminer, je reprendrai des mots d’Aimé Césaire. Dans « le combat de l’ombre et de la lumière », dans « la lutte entre l’espoir et le désespoir, entre la lucidité et la ferveur », nous sommes « du côté de l’espérance », mais comme Aimé Césaire le disait si bien, du côté d’une « espérance conquise, lucide, hors de toute naïveté » – je dis bien « hors de toute naïveté ». Aussi la question à laquelle nous devons répondre aujourd’hui est-elle d’abord de savoir quel chemin d’espérance est ouvert par vos propos. Nous jugerons sur pièces, mais nous ne pouvons que douter, tant la servitude mercantile qui étouffe notre république risque d’étouffer votre Gouvernement – c’est ce que Jack London qualifiait de « talon de fer ».

En ce qui nous concerne, face aux renoncements comme aux moindres avancées, nous n’aurons qu’une boussole : celle de l’intérêt du peuple de France, de ce peuple qui attend des réponses à la hauteur de sa colère.

La Nupes et les cocos

Les cocos au cœur de la NUPES

Communistes de Saint Gratien, nous sommes impliqués dans la campagne électorale de Gabrielle Cathala, candidate de la NUPES dans la 6è circonscription du Val d’Oise.

Rappelons tout d’abord la position du PCF 95 suite à l’accord entre les formations politiques de gauche et écologistes. « Les communistes sont très satisfaits de l’existence de ce rassemblement des forces de Gauche et écologistes. Le PCF 95 a retiré toutes ses candidatures de chefs de file qui avaient été désignés par ses instances pour soutenir les candidates et candidats de la NUPES et travailler collectivement à la réussite de ce rassemblement pour la population. »

En ce qui concerne la 6è circonscription, le Parti communiste français y est organisé sur la quasi-totalité du territoire, ancré sur le terrain avec un réseau d’élus locaux dans les trois principales villes, et avec un réseau de  militants attachés à une présence régulière au cœur des luttes.

Nous participons donc à cette campagne des législatives pour une Assemblée nationale qui peut, les 12 et 19 juin reprendre les couleurs de la transformation sociale, de la lutte contre les inégalités, de la lutte contre le réchauffement climatique, de la lutte contre l’évasion fiscale, de l’internationalisme, de la culture de paix. 

Comment sommes-nous utiles dans cette campagne ? L’accord à gauche a suscité un espoir immense : l’histoire n’est pas finie après les présidentielles, notre vie quotidienne peut changer significativement si des mesures comme la retraite à 60 ans, l’augmentation des salaires, l’allocation d’autonomie pour les jeunes, des moyens pour les services publics sont mis en œuvre dès le mois de juillet !

La campagne est certes nationale, le mandat de député n’est pas un mandat local. Pour autant, nous restons attachés à lier les questions nationales à notre territoire législatif, tout artificiel qu’il soit.

Nous souhaitons parler de logement, des difficultés des jeunes à se loger, qui les poussent trop souvent à devoir quitter nos villes, de la cherté des loyers, des 1 000 demandes de logement en souffrance à Saint Gratien, de la nécessité de conserver et d’élargir la loi SRU pour que du logement social soit construit dans nos communes, dans toutes les communes de la circonscription.

Nous souhaitons parler de santé, quand nos villes deviennent des déserts médicaux, que nos hôpitaux connaissent de grosses difficultés. Il faut investir notamment par la création de centres de santé, structures publiques qui seules peuvent garantir l’accès aux soins de tous.

Nous souhaitons parler d’école, quand nos établissements scolaires subissent effectifs lourds, absences de remplacements,  manques d’infirmières et de médecins scolaires, manques d’AESH, quand les familles ne peuvent plus accéder à la cantine pour cause de tarifs excessifs.

Nous souhaitons parler transports, au moment où le dérèglement climatique, la pollution de nos villes, imposent des mesures ambitieuses en matière de transition écologique, et que les transports en commun, lignes C, H ou J dysfonctionnent régulièrement faute de moyens.

Nous souhaitons parler de démocratie, de 6è République, au rebours d’élus qui se disent de terrain mais n’apparaissent que le temps d’une élection.

Dans les différentes initiatives auxquelles nous participons, porte à porte, distributions dans les gares ou sur les marchés, déambulations… nous constatons que les habitants nous interpellent sur ces questions.

Cette campagne sera difficile car très courte. Nous regrettons cet agenda qui nous empêche de développer comme ils le mériteraient des sujets comme le financement des propositions, ou comme le bilan de l’activité des élus sortants.

Mais nous apprécions de faire campagne ensemble, avec des amis et camarades socialistes, insoumis, écologistes, membres de divers mouvements et organisations !  

Avec des divergences que nous ne masquons pas, avec nos particularités, notre originalité, nous sommes heureux de nous retrouver autour d’une candidature commune. Une campagne heureuse, pour des jours heureux ! 

 

Enrico, loin de Moscou

Il y a 100 ans, naissait Enrico Berlinguer, un communiste loin de Moscou

Vous ne naissez pas communiste, vous le devenez. Enrico Berlinguer est né il y a cent ans, le 25 mai 1922, dans une famille où se cultive la mémoire du Risorgimento, l’unité italienne, et dans une ville de Sardaigne, Sassari, berceau d’une autre grande figure : Antonio Segni, chrétien Président démocrate de la République de 1962 à 1964. Pour la petite histoire, il a courtisé Mariuccia, la mère d’Enrico. Pour la grande histoire, ce dernier devient communiste en jouant au poker, à partir de 1934, avec le communiste Pietro Sanna. Dans l’Italie fasciste, il se tourne vers Radio London. En 1943, il rejoint le Parti communiste italien (PCI). Il est alors dans le moule stalinien. Il n’est pas encore la démangeaison du mouvement communiste international.

Cette vocation apparaît en novembre 1956, lorsque les chars soviétiques pénètrent dans Budapest, ville qu’il fréquente régulièrement puisqu’elle est le siège de la FMJD, l’Internationale des jeunes communistes. Il est lui-même, depuis 1950, secrétaire de la Fédération italienne de la jeunesse communiste. Lors d’une réunion de la direction du PCI, Giuseppe Di Vittorio, le secrétaire de la CGIL, qui s’est distancié de « l’intervention », a été destitué par ses camarades. Un seul le défend : Enrico Berlinguer. « En Hongrie, il y a eu une explosion du mécontentement populaire et cela exige que nous en expliquions les causes », il professe. Le jeune Enrico bafoue les dogmes, jusqu’à les faire bafouer par le parti lui-même, dont il devient secrétaire adjoint en 1969 et secrétaire en 1972.

Un eurocommunisme aux caractéristiques différentes

Il prône une voie italienne vers le socialisme. « Nous n’en sommes probablement qu’au début, déclare-t-il lors du congrès de Bologne du PCI en février 1969, alors que l’Europe connaît une forte contestation sociale. Le mouvement ouvrier et démocratique de l’Europe capitaliste n’a pas de chemin droit et facile devant lui. Loin de là ! Mais une telle récupération semble provenir de processus profonds, avoir une signification et une valeur particulières : pour l’Europe elle-même et pour la fonction que la classe ouvrière européenne et l’Europe démocratique peuvent remplir dans le processus révolutionnaire mondial. » Il reprend le thème du « polycentrisme » laissé en friche par le leader du PCI pendant et après la guerre, Palmiro Togliatti, selon lequel le mouvement communiste international devait avoir plusieurs centres. Cela conduira, dans les années 1970, Berlinguer à promouvoir, avec le PCF et le PC d’Espagne, un eurocommunisme aux caractéristiques différentes de celles du modèle soviétique. En juin 1969, lors de la conférence des partis communistes, il expose les divergences entre le PCI et le Pcus à la lumière de la répression de Prague un an plus tôt.

Il poursuit une politique de « compromis historique »

En 1977, il va beaucoup plus loin. Il déclare ne pas vouloir que « L’Italie quitte l’OTAN » « parce que (il) (s)e se sentent plus en sécurité de ce côté » pour mener une politique indépendanteCependant, il s’empresse de souligner qu’en Occident « certains ne voudraient même pas nous laisser commencer à faire (le socialisme), y compris dans la liberté ». Une autre déclaration est choquante. En 1981, suite à la prise du pouvoir par le général Wojciech Jaruzelski en Pologne, il déclare que le « poussée propulsive (…) de la révolution socialiste d’Octobre, le plus grand événement révolutionnaire de notre temps », a été épuisée dans les sociétés d’Europe de l’Est. Pour lui, il faut des « solutions originales » développer le socialisme en Occident.

Originales, les solutions le sont. Il se heurte souvent à ses partenaires communistes dans d’autres pays. De 1973 à 1979, il mène une politique de « compromis historique » : soutien parlementaire aux gouvernements démocrates-chrétiens, au nom de la lutte contre le terrorisme et du nécessaire renouveau démocratique. A la fin des années 1970, il prône une politique « d’austérité ». Dans un contexte de crise et après les conquêtes sociales de 1968-1969, la classe ouvrière doit faire, prône-t-il, des « sacrifices » en échange d’un « nouveau modèle de développement » qui ne repose plus sur la croissance de la consommation, mais introduit des « éléments du socialisme » et concentre les dépenses sur les personnes : culture, santé, formation. On est loin du sens donné aujourd’hui au terme « austérité ».

Peu à peu, le cordon ombilical est coupé avec Moscou. En février 1984, il s’y rend accompagné de Massimo D’Alema, l’un des fossoyeurs du PCI en 1991. Berlinguer, habitué des pays de l’Est, et qui a survécu à un accident de la route en Bulgarie en 1973, voit les couronnes qui leur sont offertes. Il dit alors à son acolyte :« Voici la première loi générale du socialisme réel : les dirigeants mentent toujours, même quand ce n’est pas nécessaire. La seconde est que l’agriculture ne fonctionne pas. (…) La troisième, attention, c’est que les bonbons collent toujours au papier. » C’est son dernier voyage à Moscou. Il meurt le 11 juin 1984, quatre jours après s’être effondré lors d’un meeting à Padoue. Il ne verra pas, le 17 juin, son triomphe du PCI, avec 33,33 % des voix, en tête des élections européennes. Une première et une dernière.

Gael de Santis

Pour aller plus loin

https://www.dailymotion.com/video/x1k1twa

https://lepetitjournal.com/milan/actualites/enrico-berlinguer-le-communiste-reformateur-31133

https://blogs.mediapart.fr/philippe-marliere/blog/110614/addio-berlinguer

https://generationsnouvelles.net/enrico-berlinguer-un-communiste-loin-de-moscou/

1er mai 2022

« Fidèles au poste ! » avons-nous souvent entendu hier 1er mai aux abords de nos étals d’un jour !

Fleuristes occasionnel.le.s, mais surtout engagé.e.s pour assurer à notre organisation les moyens de son activité. Pour plus des deux tiers, les ressources financières du PCF sont constituées des cotisations des adhérent.e.s, de la contribution de ses élu.e.s et des dons des personnes physiques.

La vente du muguet est donc une initiative financière importante pour nous, mais c’est aussi l’occasion de rencontres et d’échanges avec les Gratiennois.e.s. Ce 1er mai 2022, les discussions étaient centrées sur le rassemblement à gauche, que tou.tes espèrent voir prendre forme, dans le respect des particularités de chaque formation. Un levier essentiel pour construire une riposte aux politiques libérales, et pourquoi pas… bâtir une majorité à l’Assemblée ! Demain étant l’anniversaire du Front populaire… tous les espoirs sont permis de voir cet accord aboutir entre la France Insoumise, EELV (c’est fait depuis dimanche), le PCF et le PS.

En attendant, le débat n’a pas empêché toutes nos clochettes de trouver preneur avant midi. Malgré l’inflation galopante sur le prix du muguet, nous avons écoulé davantage que l’an dernier.

Merci à toutes celles et tous ceux qui ont participé à organiser cette matinée !

Merci à toutes celles et ceux qui nous ont soutenu.e.s et encouragé.e.s par leurs achats !