Suite et fin de notre compte-rendu du Conseil municipal de Saint Gratien du 15 avril 2021
Prochain Conseil le 24 juin 2021
Des séances de moins en moins fréquentes… de plus en plus courtes..
Le Conseil vote l’adhésion d’une commune au syndicat intercommunal pour le gaz et l’électricité d’Île-de-France. Rapport anodin qui n’entraîne d’ordinaire pas d’intervention particulière. Sauf que nous souhaitions interroger la ville sur les pratiques du syndicat, dont nous venions de recevoir une brochure relatant les récentes activités. Hélas ! Une nouvelle fois, le maire nous refuse la parole sur ce sujet, seule l’adhésion de la nouvelle commune au syndicat étant l’objet du rapport…
Pourtant il y a bien des interrogations sur le fait que le SIGEIF fait par exemple appel à du financement participatif pour le projet d’une ferme photovoltaïque. Nous sommes favorables à ce principe de financement… sauf qu’ici ce dispositif propose de rémunérer des obligations via des emprunts participatifs au rendement de 5,5%, et des actions « participatives » à 4,5% pour un montant de 1,250 M€.
Il est écrit que le rendement sera là aussi significatif. Une bonne opération financière pour ceux qui souscriront.. mais pour les finances du SIGEIF ? Ces taux s’apparentent au taux de l’usure !
Quel est l’intérêt pour le SIGEIF, alors que les banques prêtent actuellement à 1,5%, 2%… voire 0% pour ce type de projet comme le fait la Caisse des dépôts..?
Autre question sur les batteries électriques. Le SIGEIF accélère le déploiement « clefs en mains » de ses points de recharge (réhabilitation des stations Autolib, pose de nouvelles bornes, exploitation et maintenance)
Le SIGEIF aura installé 240 nouveaux points… Et à St Gratien ?
Des informations qui auraient intéressé les Gratiennois.es.. si l’échange n’avait pas été empêché. Le maire nous renvoie aux commissions municipales… sauf que ces dernières ne se réunissent que très rarement depuis quelque temps : deux seulement pour la préparation de ce Conseil…
Enfin, la majorité municipale met aux voix le vote d’une motion sur la fibre optique, visant à soutenir l’action du département dans ce domaine.
Si nous pouvons nous réjouir que la ville découvre les méfaits de la sous-traitance, nous ne voyons pas bien l’intérêt de ce vote. Que demande la motion du département qui ne nous est pas communiquée ? Quelle solution est proposée pour remédier aux dysfonctionnements constatés sur l’exploitation des réseaux, confrontés à une multiplicité des intervenants ? Le maire nous fait alors cette réponse étonnante : il n’a pas lu la motion départementale, qui fait plus de 4 pages et il ne veut pas « faire durer en longueur le Conseil municipal »… Cela se passe de commentaires et nous nous abstenons donc sur cette motion mystère.
Autre motion, autre traitement.. Nous avons nous aussi déposé une motion, souhaitant qu’elle soit soumise au vote. Il s’agit de l’avenir du Triangle de Gonesse, dossier départemental essentiel. Mais le maire, soucieux sans doute de ne pas faire coucher trop tard ses conseillers, non seulement ne la soumet pas au vote, mais n’y fait même pas allusion, alors que nous avions déposé ce texte dans les délais en amont de la séance. La présentation des motions est « le seul privilège du maire » ! Lorsque nous insistons, le maire nous indique que Valérie Pécresse s’est prononcée contre un projet industriel ou commercial sur le Triangle de Gonesse et que cela devrait nous suffire.
Bien évidemment… non !
Ci-dessous le texte de notre motion sur l’avenir du Triangle de Gonesse, et les répercussions favorables pour les Gratiennois.es qu’aurait le projet d’une ceinture maraîchère sur ces terres, les plus fertiles d’Europe.
Souhait de Motion pour le Conseil municipal de St-Gratien contre tout projet d’artificialisation des sols sur le triangle de Gonesse
Les élu.es du groupe « Saint-Gratien, solidaire, écologique et citoyen » proposent aux membres du Conseil municipal de Saint-Gratien réunis le 15 avril 2021, d’adopter cette motion pour encourager le développement d’un projet alternatif sur les terres agricoles du Triangle de Gonesse. Il s’agit d’œuvrer pour la mise en place du projet CARMA (Coopération pour une Ambition agricole, Rurale et Métropolitaine d’Avenir), qui s’appuie sur les perspectives prometteuses de l’agriculture péri-urbaine et de la création d’activités liées à la transition écologique. Par ce développement de productions agricoles en circuits courts dans le Val d’Oise, l’objectif est d’augmenter l’approvisionnement des cantines de nos écoles et des collèges du département et/ou des EHPAD en produits bio.
« Le 04 décembre 2020, le Président de la République a annoncé l’abandon du projet « EuropaCity » sur les terres agricoles du triangle de Gonesse. Malheureusement, la reprise des travaux de construction d’une gare au milieu des champs de Gonesse, préalable à l’artificialisation d’au moins 110 hectares, a été annoncée début janvier 2021 et malheureusement déjà engagée.
Alors que les expert.es du climat lancent des cris d’alarme contre les conséquences catastrophiques de l’artificialisation des sols, nous, élu.es du conseil municipal de St Gratien, commune du Val d’Oise (95210), nous opposons à ce projet inutile et dispendieux, qui annonce la destruction des terres nourricières du Triangle de Gonesse.
Nous condamnons le recours à la force demandé par le gouvernement et la Présidente de la région à l’encontre des citoyennes et des citoyens décidé.es à empêcher la construction de cette gare le 23 février dernier.
L’État français a aujourd’hui la possibilité de prendre une décision historique concernant le devenir de ces terres puisque l’établissement public foncier d’Ile de France, qui contrôle aujourd’hui 110 hectares après l’expropriation des agriculteurs et agricultrices, peut s’il le décide, y mener un véritable projet d’intérêt général. Il pourrait permettre à la jeunesse francilienne et aux milliers de salarié.es touché.es par la pandémie un accès à des emplois dans les filières d’avenir comme celles de l’alimentation, du recyclage, de la mobilité durable, des énergies renouvelables, de l’écoconstruction et de la rénovation thermique des bâtiments.
Désormais, il appartient au Président de la République et à son gouvernement de faire clairement le bon choix sur ce dossier, de décider d’un acte fort en parfait adéquation avec les accords de Paris signés dans le cadre de la COP21, en prenant les décisions qui s’imposent pour que tout projet d’urbanisation du Triangle de Gonesse soit définitivement abandonné. Une fois cet abandon définitivement acquis, il deviendra alors possible d’imaginer un autre projet alternatif ambitieux pour le Triangle de Gonesse, plus en rapport avec la lutte contre les changements climatiques et pour une agriculture responsable. L’association « COLLECTIF POUR LE TRIANGLE DE GONESSE (CPTG) » (http://carmagonesse.com) œuvre pour la mise en place du projet CARMA (Coopération pour une Ambition agricole, Rurale et Métropolitaine d’Avenir), qui s’appuie sur les perspectives prometteuses de l’agriculture péri-urbaine et de la création d’activités liées à la transition écologique.
Nous, élu.es du conseil municipal de St-Gratien, souscrivons pleinement à ce projet résolument tourné vers l’avenir et conforme aux nouvelles orientations de la région Ile de France quant au développement de la production agricole de proximité. »
Dossier de presse – 17 mai 2021
Triangle de Gonesse : où en est-on ?
La réponse en 10 points
L’arbitrage du gouvernement est tombé : dix-huit mois après l’abandon du projet de mégacomplexe EuropaCity, le Premier ministre Jean Castex a annoncé le 7 mai le maintien au milieu des champs de Gonesse d’un métro automatique et l’urbanisation de dizaines d’hectares de terres agricoles.
Sur les 110 hectares contrôlés par l’Etablissement public foncier d’Ile-de-France, et alors que la zone dispose de nombreuses zones déjà urbanisées pouvant accueillir des équipements, le gouvernement dit vouloir ériger une plateforme logistique consacrée aux circuits courts et une cité scolaire internationale tournée vers les métiers de l’hôtellerie et de l’agriculture.
Face à ce cortège de décisions aberrantes, qui entraînerait la destruction sans raison valable de dizaines d’hectares de terres fertiles, le Collectif pour le Triangle de Gonesse et ses soutiens organisent un rassemblement samedi 22 mai, place de la République, à Paris : « Colère des terres, de Gonesse et d’ailleurs ».
1- Un territoire stratégique pour le climat
Situé aux confins de la Seine-Saint-Denis et du Val d’Oise, le Triangle de Gonesse est l’une des dernières zones cultivées de la Plaine de France, qui fut longtemps le grenier à blé de toute la région. On louait la qualité du « pain de Gonesse » et de nombreux maraîchers y cultivaient fruits et légumes.
Avec des rendements annuels de blé pouvant atteindre 90 quintaux l’hectare, ces terres sont parmi les plus fertiles d’Europe. Elles sont assises sur 6 mètres de limons accumulés depuis des milliers d’années : une telle épaisseur permet au végétal de trouver de l’eau en profondeur, même en plein été. Sur le Triangle de Gonesse, les agriculteurs n’ont pas besoin d’arroser les récoltes.
Sait-on qu’il faut 1 500 ans au minimum à la nature pour constituer une couche arable de 18 centimètres ? Malgré les promesses des aménageurs, il n’existe en réalité aucun moyen de «compenser » la perte de telles terres. Et une fois qu’un sol est artificialisé, il devient définitivement impropre à la culture.
De plus, cet espace agricole de presque 700 hectares agit comme un climatiseur naturel. A l’heure de la lutte contre le réchauffement climatique, la pleine terre compense en partie l’élévation de la température des territoires contigus qui, eux, sont urbanisés. On estime que si ces terres étaient artificialisées, les alentours subiraient un réchauffement de 2 degrés en moyenne l’été.
Actuellement, le Triangle de Gonesse est cultivé par huit agriculteurs à qui l’on dit depuis quarante ans que leurs terres sont condamnées. La plupart du temps, ils ne sont pas propriétaires et ne jouissent que d’un bail précaire : ils font donc de la grande culture céréalière intensive et ne sont pas incités à prendre soin de la fertilité du sol. Cette situation pourrait changer très rapidement si le gouvernement décidait de protéger le Triangle de Gonesse et d’encourager la conversion de ses cultivateurs vers des méthodes respectueuses des écosystèmes et de leur santé. Selon la manière dont sont cultivées les terres agricoles, elles peuvent absorber les gaz à effet de serre et devenir des pièges à carbone : à l’heure du dérèglement climatique ce sont des outils essentiels pour la résilience des territoires.
2 – Le métro, cheval de Troie de l’urbanisation
Le projet de station « Triangle de Gonesse » sur la ligne 17 Nord du Grand Paris Express (GPE) est présenté par le gouvernement et la région Île-de-France comme une desserte pour les habitants. Mais conçu au départ pour desservir le défunt projet EuropaCity et une vaste zone de bureaux, ce métro est en réalité le cheval de Troie d’une urbanisation future.
L’annonce par Jean Castex de la construction sur les terres de Gonesse d’une annexe du MIN de Rungis, ainsi que d’une cité scolaire internationale, qui se trouverait donc directement sous le bruit des avions, apparaissent comme des propositions peu réalistes, faites a posteriori pour justifier l’investissement dans la ligne de métro.
Quant aux habitants de Gonesse, pour eux la galère des transports demeurera : prévue au milieu des champs, la gare serait située à quatre kilomètres du centre-ville et à 1,7 kilomètre des premières habitations.
L’entêtement du gouvernement à vouloir maintenir une gare au milieu des champs s’apparente à de l’acharnement : l’arrêt « Triangle de Gonesse », conçu dans le but de viabiliser le projet de ZAC (Zone d’aménagement concerté), n’a plus de raison d’être. L’argent public (plusieurs centaines de millions d’euros pour l’arrêt de métro, 3 milliards pour l’ensemble de la ligne) est ainsi mis au service d’un projet d’artificialisation des sols, sans aucune justification sérieuse.
3 – Le coût exorbitant de la ligne 17 Nord
La gare « Triangle de Gonesse » s’inscrit dans le cadre de la construction du Grand Paris Express, dont le système de financement a été dénoncé en janvier 2018 par la Cour des Comptes : de 22,6 milliards d’euros au départ, le coût prévisionnel est passé à 38,5 milliards d’euros. D’après un rapport récent du Sénat, la facture serait de 42 milliards d’euros !
Les magistrats financiers estiment qu’il est nécessaire de « réviser le périmètre du projet et revoir fortement le phasage des réalisations ”. Depuis l’abandon d’EuropaCity et du Terminal 4 de l’aéroport de Roissy, cette ligne, qui a perdu son utilité, représente une gabegie de la dépense publique.
Les experts sont nombreux à dénoncer la gestion calamiteuse des budgets publics : dès août 2015, les experts du Cercle des transports avaient averti, chiffres à l’appui, que l’Etat n’aurait pas les moyens de financer à la fois l’ensemble de la construction du Grand Paris Express et la régénération du réseau existant.
Les habitants du Val d’Oise ne s’y sont pas trompés : lors de manifestations en février et avril 2021 à la gare de Villiers-le-Bel-Arnouville, ils ont réclamé l’amélioration des transports du quotidien, notamment les RER B et D, dont la vétusté et le manque d’investissement entraînent constamment des retards et des incidents. Autre besoin urgent : la création de liaisons en rocade (de banlieue à banlieue), au cœur des quartiers. Citons le tramway T5 Saint-Denis /Sarcelles qu’il suffirait de prolonger en deux branches (vers Villiers-le-Bel et Le Bourget RER) pour rejoindre le fameux « hub » de Pleyel et la tangentielle T11 Sartrouville/Argenteuil/Epinay/Le Bourget/Noisy-le-Sec. De tels choix représentent des investissements nettement moins coûteux et répondant à de véritables besoins.
Pourquoi alors créer ex-nihilo une ligne inutile alors que l’argent public pourrait être employé à améliorer significativement l’existant ? C’est d’ailleurs le souhait de nombreux experts et citoyens : en février dernier, la Fédération nationale des associations d’usagers de transports (FNAUT) demandait le gel de la ligne 17.
Plutôt que de creuser indéfiniment la dette publique, il est urgent de revoir le schéma général des transports d’Île-de-France, imaginé il y a 15 ans, donc avant les engagements solennels pris par la France en 2015 lors de la COP21 et avant la crise sanitaire mondiale, qui a fait prendre conscience de la fragilité des chaînes d’approvisionnement des métropoles.
4 – Un marathon juridique
Le Collectif pour le Triangle de Gonesse, assisté par France Nature Environnement et d’autres associations comme le MNLE (Mouvement national de lutte pour l’environnement), a déposé plusieurs recours contre l’artificialisation des terres du Triangle de Gonesse. Il a attaqué la révision du PLU (plan local d’urbanisme) de la commune, qui autorise l’urbanisation des terres agricoles. Il a déposé un recours contre l’arrêté de création de la ZAC (Zone d’aménagement concerté) du Triangle de Gonesse et sa DUP (déclaration d’utilité publique). Il a aussi déposé un recours contre le permis de construire de la gare du Triangle de Gonesse ainsi que l’autorisation environnementale de la ligne 17 nord du Grand Paris Express.
Les tribunaux administratifs ont donné raison au CPTG et ont annulé le PLU, la ZAC et l’autorisation environnementale de la ligne 17 (les autres procès sont en cours d’instruction). Les démarches du CPTG ont été confortées par de nombreux avis d’experts : celui du commissaire-enquêteur qui avait émis un avis défavorable à la révision du PLU de Gonesse, de la Commission départementale pour la préservation des espaces naturels et forestiers (CDPNAF), de l’Autorité environnementale, du Comité national de protection de la nature …
Mais l’Etat et les aménageurs ont fait appel. Et la Cour administrative d’appel de Versailles a systématiquement cassé les jugements, allant même à l’encontre des recommandations de son propre rapporteur public : en juillet 2019, elle validait la ZAC alors qu’EuropaCity était sur le point d’être abandonné … En décembre 2020, la Cour administrative de Versailles a cassé l’annulation du PLU de Gonesse et la suspension de l’autorisation environnementale de la ligne 17 Nord.
Aujourd’hui, le contentieux sur le PLU et l’artificialisation des terres est devant le Conseil d’Etat. Va-t-il laisser l’Etat urbaniser les terres de Gonesse ?
Quant au contentieux sur l’autorisation environnementale de la ligne 17 Nord, il a été renvoyé devant la Cour administrative d’appel de Paris, qui doit le rejuger. Va-t-elle laisser construire un métro au milieu des champs, alors qu’il ne dessert aucun projet sérieux ? Ou bien prendra-t-elle la décision de stopper les travaux, notamment en raison du défaut de prise en compte du cumul des impacts du métro et de l’urbanisation ?
Comme à l’Aire des Vents de Dugny, l’insuffisance des mesures d’évitement, de réduction et de compensation, notamment en matière de protection d’espèces protégées, ne respecte pas les dispositions du Code de l’Environnement.
Les travaux ont démarré dans les champs alors que la saison de nidification a commencé. Que va-t-il advenir des bergeronnettes printanières qui nichent dans les jeunes blés actuellement détruits par les travaux de la gare ?
5 – Le rapport Rol-Tanguy : commandé et enterré
Après l’annonce le 7 novembre 2019 de l’arrêt définitif du projet EuropaCity, une mission était aussitôt confiée par le gouvernement à Francis Rol-Tanguy, ingénieur général honoraire, ancien directeur de l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur). Ce rapport, remis en juillet 2020 au gouvernement, n’a jamais été rendu public. Il établit sur le Grand Roissy un diagnostic complet à la fois économique, spatial et social et articule ses propositions dans trois scénarios pour le Triangle de Gonesse et son environnement.
Le premier, qui prévoyait l’urbanisation de l’ensemble des 280 hectares de la ZAC, n’est plus à l’ordre du jour.
Le deuxième scénario, sur une superficie de 110 hectares, est centré sur la station de métro “Triangle de Gonesse” de la ligne 17 Nord du Grand Paris Express. Il prévoit l’implantation d’activités industrielles autour de la desserte.
Le troisième scénario, « sans urbanisation », est proche des propositions du projet de transition écologique et sociale CARMA et permet le maintien des activités agricoles sur le Triangle de Gonesse. Cette hypothèse prévoit par ailleurs la création d’une ligne 17 bis, du Mesnil-Amelot à Villiers-le-Bel, avec une gare desservant la population de Gonesse.
Le rapport Rol-Tanguy a circulé sans ses annexes lors de la mise au point du plan du gouvernement pour le Val d’Oise.
Finalement, c’est le scénario « à 110 hectares », mais sans implantation d’activités industrielles, qui semble avoir la faveur du gouvernement.
Une cité scolaire internationale et une annexe de Rungis ont été annoncés par Jean Castex, mais sans débat et sans créer de vraie perspective pour le territoire du Grand Roissy, durement touché par la pandémie.
6 – Artificialisation des sols : des promesses renouvelées, jamais tenues
Une des mesures phares du projet de loi Climat et résilience concerne l’artificialisation des sols : « (Il faut) mettre la France sur la trajectoire du zéro artificialisation nette, pour mettre fin aux 20.000 à 30.000 hectares d’espaces naturels, agricoles ou forestiers qui disparaissent chaque année en France, dont la moitié du fait de l’étalement des logements », lit-on dans ses attendus.
Un objectif intermédiaire recommande de diviser par deux les nouvelles surfaces artificialisées d’ici 10 ans. Bien que très en-deça des ambitions de la Convention citoyenne pour le climat qui préconisait de “protéger fermement et définitivement les espaces agricoles périurbains” et de “s’assurer de la création de ceintures maraîchères autour des pôles”, cette disposition engage l’Etat et les collectivités territoriales.
L’artificialisation des terres est l’une des principales sources de gaz à effet de serre et de destruction de la biodiversité, comme l’a rappelé l’IPBES en mars 2018. L’Union européenne s’est engagée à baisser ses émissions de gaz à effet de serre de 55% d’ici 2030.
Dans un rapport daté du 28 juillet 2020, la Cour des Comptes appelle pour sa part à l’adoption d’une véritable politique foncière agricole : “Alors que l’État vise, en application du plan biodiversité du 4 juillet 2018, à stopper l’artificialisation nette des terres et au moment où le départ en retraite du tiers des exploitants agricoles d’ici 2023 induit à la fois un risque de déprise et un volume élevé de transactions sur le marché foncier rural, la préservation des terres agricoles constitue un sujet de première importance tant pour le monde agricole que pour le pays tout entier.”
Le premier ministre, Jean Castex, répond le 2 novembre 2020 : “A titre liminaire, je souhaite rappeler que le Gouvernement conduit une politique ambitieuse de limitation de l’artificialisation des sols. Le Gouvernement souhaite favoriser le maintien d’une agriculture périurbaine. Dans cette perspective, un mécanisme de protection des zones agricoles plus opérationnel que les outils spécifiques existants de protection des espaces agricoles est envisagé. Il pourra s’appuyer sur les projets de territoire visant à préserver et développer le foncier agricole, par exemple a travers la reconquête des friches agricoles. Les projets d’agriculture urbaine et péri-urbaine à vocation nourricière, sociale ou éducative pourront utilement étre pris en compte dans les schémas d’organisation afin que la densification des villes et l’objectif de « zéro artificialisation » soient conçus ensemble et associés a un développement de l’agriculture en ville et autour des villes. Les projets alimentaires territoriaux, dès lors qu’ils contribuent à l’aménagement du territoire et du paysage, au maintien et à la diversification de l’agriculture, à la restauration de la qualité des sols et à l’approvisionnement local en produits de qualité, devront être intégrés dans la réflexion globale sur la maitrise du foncier.”
L’Etat maîtrise avec la Région Île-de-France les 110 hectares sur lesquels il prévoit de construire un métro, une plateforme logistique et une cité scolaire. Qu’est-il donc advenu des bonnes intentions de Jean Castex livrées à la Cour des comptes ?
Mais l’incohérence entre les promesses et les pratiques n’est pas nouvelle …
Dans sa « Contribution à la COP 21 », la Région Ile-de-France écrit que le SDRIF (Schéma directeur de la région Ile-de-France) a pour priorité d’« endiguer l’étalement urbain qui grignote des terres agricoles » et de « développer le maraîchage et les jardins partagés afin de contribuer davantage à l’approvisionnement alimentaire de l’agglomération par circuits courts et de diminuer nos importations, car la distance moyenne d’approvisionnement par personne a été multipliée par quatre en deux siècles ».
Le candidat à l’élection présidentielle Emmanuel Macron a pris lui aussi position : sur le site d’En Marche, à la rubrique « Le programme d’Emmanuel Macron pour l’environnement et la transition écologique », l’objectif 5, intitulé « Accompagner les transitions », prévoit notamment de « mettre un terme à l’artificialisation des terres ».
Le 4 juillet 2018, le Premier ministre Edouard Philippe a annoncé un plan de sauvegarde de la biodiversité, se fixant notamment un objectif de « zéro artificialisation nette ». Rappelons que la COP 21 s’est tenue en décembre 2015 au Bourget… à quelques centaines de mètres du Triangle de Gonesse.
Au salon de l’Agriculture fin février 2019, puis dans la cour de l’Elysée le 6 mai 2019, le président Macron a dit à nouveau vouloir lutter contre l’artificialisation des sols.
Quant à la présidente sortante de la région Île-de-France Valérie Pécresse, elle promet dans son programme pour les régionales que 100% des cantines des lycées seront, d’ici 2024, approvisionnés en produits locaux, dont 50% de bio. Des objectifs qui risquent fort de ne pas pouvoir être tenus puisqu’aujourd’hui seulement 6% des terres d’Île-de-France sont en agriculture biologique et que la Région ne prend pas résolument position pour défendre son patrimoine agricole.
Dans tout le reste du pays l’artificialisation des sols se poursuit à un rythme soutenu. En dix ans, c’est une superficie équivalente au département de la Seine-et-Marne qui a été détruite.
Le soutien du gouvernement et de la Région à l’artificialisation des terres de Gonesse prouve que le changement de cap, maintes fois annoncé, n’est pas encore à l’ordre du jour.
Pourtant les citoyen-nes l’attendent !
7 – Des emplois locaux, un projet d’avenir : CARMA
Au nord de Paris, les pouvoirs publics ont aujourd’hui la possibilité de prendre une décision historique : l’Etablissement public foncier d’Ile de France, placée sous la double tutelle de l’Etat et de la Région, contrôle 110 hectares au centre du Triangle de Gonesse. Il est donc possible d’y mener un véritable projet d’intérêt général tourné vers la souveraineté alimentaire et l’investissement dans les emplois de la transition écologique.
Le projet CARMA (Coopération pour une Ambition agricole, Rurale et Métropolitaine d’Avenir) s’inscrit résolument dans la lutte contre le réchauffement climatique et dans un objectif de restauration de la biodiversité. Son ambition est de faire du Triangle de Gonesse et des communes alentour un pôle de production et d’innovation agricole pour la population francilienne, alors qu’actuellement l’Île-de-France importe son alimentation de l’extérieur à plus de 80%. C’est aussi un projet d’économie sociale et solidaire, pour un investissement estimé à entre 15 et 20 millions d’euros, bien loin des sommes pharaoniques que nécessitent une station de métro automatique et une zone de logistique desservie par la route.
Renoncer à la gare au milieu des champs, ce n’est pas abandonner le territoire. Au contraire, le Triangle de Gonesse offre une opportunité unique de proposer à la jeunesse francilienne et aux milliers de salarié.es touché.es par la pandémie l’accès à des emplois dans les filières d’avenir de l’agriculture péri-urbaine, de la transformation des produits, mais aussi dans la mobilité durable, les énergies renouvelables, la rénovation thermique des bâtiments, l’éco-construction et le tourisme de proximité. Il s’agit d’une palette de métiers bien plus vaste que ce qui est habituellement proposé par les pouvoirs publics, qui continuent d’affirmer que seule la zone aéroportuaire peut être pourvoyeur d’emplois (or seulement 6,2% des actifs du bassin d’emploi travaillent à Roissy …)
Conçu par un collectif d’agronomes, d’urbanistes, d’économistes et de collectifs citoyens, le projet CARMA propose de transformer le Triangle de Gonesse en une zone de production maraichère, céréalière et d’élevage de qualité, qui pourra fournir en produits frais, sains et de proximité les habitants des environs. Elle alimentera notamment les cantines des écoles et des hôpitaux, auxquelles la loi fait obligation d’acheter une partie de leurs produits en bio et qui ne trouvent pas assez de producteurs locaux pour assurer leurs besoins.La relance de la filière horticole régionale permettra au territoire de renouer avec son passé de production de fleurs et de plantes.
L’espace agricole sera doté, à proximité immédiate du Triangle, d’une structure de conditionnement (légumerie, conserverie, cuisine collective) et de diffusion en circuits courts, d’une unité de méthanisation pour les déchets organiques, d’un centre de formation et de recherche tourné vers l’agro-écologie et les métiers de la transition écologique. Les zones limitrophes du Triangle, déjà urbanisées, pourront accueillir des activités artisanales denses en emplois non délocalisables et utiles pour l’ensemble de la région Île-de-France.
Le Triangle de Gonesse sera au centre d’un pôle de coopération économique tourné vers les métiers d’avenir, notamment dans les filières de la rénovation thermique, de l’éco-construction et de la mobilité durable.
Le Triangle de Gonesse accueillera aussi des jardins partagés et familiaux, des circuits de randonnée, des aires de promenade et de loisirs, favorisant le tourisme de proximité. La plaine de France est dotée d’un important patrimoine architectural et naturel, qui sera enfin mis en valeur.
Outre la restauration collective (écoles primaires, collèges, lycées, hôpitaux, maisons de retraite), les marchés, les commerces de proximité, les coopératives de distribution et les AMAP (paniers bio en circuits courts) permettront un approvisionnement du territoire en limitant les distances à parcourir. Le cycle d’alimentation sera complet et intégré à des modes de vie durables.
Cette expérience, d’autres grandes villes européennes l’ont déjà engagée : à Milan, avec le Parc agricole sud, et à Barcelone, où le Parc agricole de Baix Llobregat, situé à proximité de l’aéroport international Barcelone-El Prat occupe 2000 hectares et assure 60% de la consommation de légumes locaux.
En France, l’expérience de Mouans-Sartoux, dans les Alpes-Maritimes, prouve qu’il est possible, dans un territoire où la pression foncière est forte, de sanctuariser les terres agricoles et de les consacrer à l’approvisionnement local. Il est à noter que le passage au 100% bio dans les cantines municipales s’est fait sans augmentation du prix du repas pour les familles, la réduction drastique du gaspillage alimentaire et la diversification des menus ayant permis de maîtriser les coûts pour la collectivité.
Enfin la dynamique récente engagée par la métropole lyonnaise prouve qu’il est possible, lorsque les élu-es ont une motivation réelle, de s’engager dans un projet alimentaire territorial ambitieux.
8 – La colère qui gronde contre les destructions de terres fertiles en Ile-de-France
La pandémie a fait prendre conscience de la fragilité de nos territoires et de la vulnérabilité de nos chaînes d’approvisionnement. La précarité alimentaire est devenue une réalité pour de nombreuses personnes. La souveraineté alimentaire devient un enjeu majeur.
Ainsi de nombreuses communes comprennent la nécessité de rétablir une ceinture alimentaire et une agriculture périurbaine partout où c’est possible : des circuits courts pour alimenter les cantines scolaires, les hôpitaux et les populations locales, sont une réponse possible à cette situation.
Des jardins familiaux et partagés permettent aux habitants de se réapproprier la production d’une partie de leur alimentation. L’idée d’une “sécurité sociale de l’alimentation” est aussi avancée.
C’est pourquoi partout en France, et particulièrement en Île-de-France, là où les terres agricoles sont menacées, les citoyens se révoltent et la colère monte.
Sur le plateau de Saclay, la ligne 18 du Grand Paris Express menace d’excellentes terres agricoles. Prévu entre Massy et Versailles, ce métro ne correspond pas aux besoins de la population ni à celui du « cluster scientifique » de Saclay. On estime à moins de 4 400 personnes par heure le trafic aux heures de pointe. Dès le départ, le projet a été contesté par la Cour des comptes, le STIF, le Commissariat général à l’investissement ainsi que de nombreux citoyens. Son coût : 5 milliards d’euros et un fort impact environnemental en termes de destruction de l’agriculture locale (source d’emplois non délocalisables), d’augmentation de la pollution de l’air, de destruction de la biodiversité et de risques d’inondation. A nouveau, comme pour la ligne 17 Nord, une amélioration réelle des transports passe par la modernisation des RER B, C et D, par des dessertes locales et des plateformes de mobilité qui permettent aux habitant-es de se déplacer à la demande.
A Grignon, l’école d’agronomie Agro Paris Tech, haut lieu de la recherche agronomique et de la formation des jeunes, a été sommée de déménager sur le plateau de Saclay. Le site de Grignon est menacé d’artificialisation par sa probable vente à des promoteurs privés, alors qu’il pourrait être mis au service du développement d’agricultures alternatives. Dans son appel d’offre l’Etat ne garantit aucune préservation du patrimoine historique, naturel et agricole du site, et refuse toute consultation.
Au parc Georges Valbon, l’Aire des Vents, située sur la commune de Dugny, est menacée de destruction pour construire le village des médias des Jeux olympiques de 2024, qui devrait laisser ensuite la place à un quartier de 1 300 logements. En avril 2021 la cour administrative d’appel de Paris a suspendu une partie de l’autorisation environnementale au motif qu’elle ne satisfait pas les dispositions du Code de l’environnement.
A Aubervilliers, 18 jardins ouvriers (4000 m2) sont menacés par la construction d’un spa/solarium adossé à un complexe aquatique d’entraînement pour les Jeux olympiques de 2024. Dans une ville déjà très dense, ces « Jardins des Vertus », héritiers de l’industrialisation mais aussi du passé agricole de la région parisienne, sont implantés sur l’ancienne plaine maraîchère des Vertus qui du XIVe jusqu’au XIXe siècle, avec d’autres terroirs franciliens, nourrissait la capitale. En 1895, l’approvisionnement en fruits et légumes venaient à 95% de l’Île-de-France. Aujourd’hui, la part de la production locale est tombée à moins de 10%. Comme le dit une citoyenne engagée, ces jardins nous permettent de “savoir d’où on vient, pour savoir où on veut aller”.
9 – Le rassemblement « Colère des Terres – A Gonesse et ailleurs » le samedi 22 mai place de la République à Paris
Au programme :
11h-14h – stands associatifs, ateliers thématiques, buvette
Débats animés par Hervé Kempf, rédacteur en chef de Reporterre
14h : Quels transports pour l’Île-de-France ? Le gouffre financier du Grand Paris Express
15h : Accès au foncier – Agriculture de proximité
16h–18h : Prises de paroles des associations en lutte, des personnalités politiques et associatives
Toute la journée animations artistiques et culturelles
10 – Le Collectif pour le Triangle de Gonesse et ses soutiens, plus mobilisés que jamais
Fondé en 2011, le Collectif pour le Triangle de Gonesse (CPTG) se constitue pour protéger les terres agricoles de la plaine de France contre leur destruction par le projet de mégacomplexe commercial EuropaCity, sa zone de bureaux et sa gare prévue au milieu des champs.
Les membres du Collectif organisent des tractages sur les marchés, des réunions d’information et des rassemblements à Gonesse, où un champ a été cultivé entre mai 2017 et février 2021, date de sa destruction. La récolte a permis l’organisation de plusieurs « soupes républicaines » à travers l’Ile-de-France.
Le CPTG a engagé plusieurs recours juridiques, majoritairement validés par les tribunaux en première instance (cf.lepoint 4). Le site https://ouiauxterresdegonesse.fr publie des informations sur la mobilisation.
Le Collectif mène également une campagne d’information auprès des élu-es : le projet CARMA a été présenté à l’Assemblée nationale et aux élu-es de la région Ile-de-France. Des propositions détaillées ont été soumises au Ministère de la Transition écologique, des Transports, ainsi qu’aux services du Premier ministre.
Le CPTG a été à l’origine de plusieurs tribunes et blogs dans les médias (Le Monde, Libération, La Croix, Les Echos, Mediapart, Reporterre …). La dernière tribune, publiée dans Le Monde le 19 février 2021 (« A Gonesse, il est encore possible de sauver des centaines d’hectares de terres nourricières »), a été signée par trois anciens ministres de l’Environnement : Nicolas Hulot, Delphine Batho et Corinne Lepage et un lauréat du prix Nobel de la Paix, le climatologue et ancien vice-président du Conseil scientifique du GIEC Jean Jouzel.
Des jeunes opposés à EuropaCity ont organisé des visites du Triangle à pied et à vélo, réalisé des vidéos et organisé des concerts.
Pendant deux ans, un dimanche sur deux, les militants du CPTG ont donné rendez-vous sur le Triangle de Gonesse pour faire découvrir aux Francilien-nes ce patrimoine agricole inestimable et ses nombreuses fonctions écosystémiques. Le 17 janvier 2021, lors d’une « ZADimanche » sur le Triangle, plusieurs centaines de personnes ont signé le serment du Triangle, par lequel ils s’engagent à défendre les terres de Gonesse considérées comme un patrimoine commun. Par la suite, en quelques semaines, c’est près de 12 000 signataires qui ont pris cet engagement solennel.
Dés le mois de février 2021, en réponse à la reprise des travaux sur le Triangle, des défenseurs des terres agricoles décident d’occuper le Triangle et de former une ZAD (Zone à défendre), pour empêcher ce saccage imminent. Bravant le froid, ils tiennent 17 jours pendant lesquels une large solidarité se manifeste. Ce soutien montre l’enjeu que représentent aujourd’hui les terres de Gonesse, devenues un symbole national de la résistance à la destruction des terres nourricières.
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