Ian Brossat : « Acheter à 5.000 euros le mètre carré à Paris »
Ian Brossat maire adjoint au logement de Paris, souhaite la construction de 500 logements dont le principe est basé sur la séparation du foncier et bâti. Ils seront livrés d’ici 2022, à un prix de 5 000 € le m2.
Il explique sa démarche dans le « Journal du Dimanche » d’hier 24 novembre 2019. À lire ci-dessous.
INTERVIEW – L’élu communiste parisien Ian Brossat, adjoint d’Anne Hidalgo chargé du logement, dévoile les cinq sites où seront construits 500 appartements familiaux à moitié prix.
La toute nouvelle Foncière de la Ville de Paris lancera avant la fin de l’année son offre de logements abordables à destination des familles des classes moyennes désireuses de devenir propriétaires dans la capitale. L’élu communiste parisien Ian Brossat, adjoint d’Anne Hidalgo chargé du logement, en détaille les contours et dévoile les cinq sites où seront construits 500 appartements familiaux à moitié prix.
En quoi consiste ce nouveau dispositif ?
Nous lançons un nouvel outil pour permettre aux classes moyennes d’accéder de nouveau à la propriété dans la capitale, en dépit de l’envolée des prix de l’immobilier. Son nom : la Foncière de la Ville de Paris. Cet organisme foncier solidaire [OFS] associe la mairie et ses bailleurs sociaux : Paris Habitat, RIVP et Elogie-Siemp. Le premier conseil d’administration se réunira à la fin de l’année. Son principe repose sur la dissociation du foncier et du bâti. Aujourd’hui, lorsque vous achetez – très cher – un appartement, vous devenez propriétaire à la fois du sol et des murs. L’idée consiste à n’acquérir que le bâti, pour une durée de 99 ans, le foncier restant la propriété de la Ville. Cela permettra de proposer des logements en accession à moitié prix, aux environs de 5.000 euros le mètre carré. Nous avons déjà identifié cinq sites, sur lesquels nous allons construire plus de 500 logements. Ils seront livrés en 2022.
Deux autres sites sont à l’étude, pour 150 logements supplémentaires
Où se situeront-ils ?
Pour commencer, nous bâtirons des immeubles dédiés sur cinq sites en cours d’aménagement : la ZAC Bédier-Oudiné [13e] ; la ZAC Saint-Vincent-de-Paul [14e] ; l’îlot Croisset [18e] ; la ZAC Gare des Mines [18e] et la ZAC Python-Duvernois [20e]. Deux autres sites sont à l’étude, pour 150 logements supplémentaires. En juillet 2019, le Conseil de Paris avait délibéré sur un objectif d’une centaine de logements lancés d’ici à la fin de la mandature ; nous serons bien au-delà. Ce n’est pas une simple expérimentation, mais un véritable changement culturel de notre conception de l’accession à la propriété, qui a vocation à se développer massivement.
Les acquéreurs ne seront propriétaire « que » quatre-vingt-dix-neuf ans…
Le temps d’une vie ! Ce bail de très longue durée confère en outre à l’acquéreur les pleins droits sur le logement ; il pourra y faire des travaux comme tout propriétaire. Le loyer s’établira à 2 euros le mètre carré par mois. En cas de revente, la Foncière rachètera l’appartement à un prix révisé en fonction de l’inflation, mais déconnecté du marché de l’immobilier. Nous avons prévu une clause anti-spéculative : le vendeur ne perdra pas d’argent mais n’en gagnera pas non plus.
Quelle est la cible ?
Il s’agira de logements familiaux, de trois ou quatre pièces, à destination des classes moyennes qui n’ont pas les moyens de devenir propriétaires à Paris. La loi prévoit un plafond de 4.500 euros net de revenus mensuels pour un couple avec un enfant et de 5.000 euros net pour un couple avec deux enfants. Nous avons écrit au gouvernement pour lui demander que ces plafonds soient alignés sur ceux du PLI [prêt locatif intermédiaire], c’est‑à-dire relevés à 6.000 euros pour un couple avec un enfant et 7.500 euros pour un couple avec deux enfants. Avec un prix moyen du mètre carré dépassant les 10.000 euros, même les classes moyennes supérieures ne peuvent plus acheter à Paris!
Les dossiers seront anonymes et la procédure, totalement transparente.
Comment seront sélectionnés les candidats ?
Nous allons créer une commission de sélection ad hoc, un peu sur le même modèle que la commission d’attribution des logements sociaux. Les dossiers seront anonymes et la procédure, totalement transparente. Quatre critères départageront les candidats : les revenus ; la composition familiale (au moins un ou deux enfants) ; le lien avec Paris (y vivre ou y travailler) ; le fait de sortir d’un logement social – nous réserverons environ 25% des logements produits par la Foncière aux locataires de logements sociaux dont les revenus ont un peu augmenté, assujettis au surloyer, donc, et qui souhaitent accéder à la propriété.
Quel est le budget de l’opération ?
La subvention de la Ville s’élève à 15 millions d’euros pour les 500 premiers logements [les terrains appartiennent déjà à la mairie]. A cette somme s’ajouteront les coûts de construction des immeubles.
Envisagez-vous de vendre des logements sociaux existants en dissociant le foncier du bâti ?
Il n’en est pas question ! Près de 100.000 Parisiens sont demandeurs d’un logement social. Si nous les vendions, nous aggraverions la pénurie. J’ajoute que Paris vient d’atteindre les 23,6% de logements sociaux financés – 21,5% pour les logements livrés -, ce qui signifie que si nous avons rempli nos objectifs, nous n’avons pas encore atteint le seuil, fixé par la loi SRU, de 25% à l’horizon 2025.
Sur Airbnb, nous envisageons un référendum dans la foulée des élections municipales
Airbnb a annoncé cette semaine qu’il devenait l’un des principaux sponsors du CIO jusqu’en 2028. Un coup dur pour vous ?
Cette décision du CIO, tout à fait inopportune, n’entame en rien notre détermination à mettre Airbnb au pas, pour qu’il respecte la loi et la réglementation parisienne. Nous envisageons un référendum dans la foulée des élections municipales. Faut-il passer de cent vingt jours de location autorisée à quatre-vingt-dix, soixante ou trente jours? Surtout, faut-il interdire purement et simplement cette plateforme dans certains quartiers centraux? Ils auront l’air malin, au CIO, si Airbnb est interdit à Paris aux JO de 2024!
Où en sont les négociations des communistes parisiens avec l’équipe d’Anne Hidalgo ?
J’ai bon espoir que nous arrivions à un accord début décembre. Outre notre demande de maintien de la représentation actuelle des communistes au Conseil de Paris [13 élus], nous avons formulé des exigences fondamentales indispensables pour un accord, notamment en matière de logement. D’abord, la poursuite de la production de logements sociaux avec le même objectif de 30% en 2030. Ensuite, l’organisation d’un référendum portant sur quatre points : Airbnb, la limitation des résidences secondaires à Paris, le blocage des loyers pendant cinq ans et le transfert à la Ville de la compétence en matière de réquisition de bâtiments vacants. Il est temps pour la gauche de s’organiser face à nos adversaires qui font campagne.