Dette vertueuse

Éric Bocquet : « Il est possible d’annuler une dette »

Auteur d’un rapport au Sénat sur l’avenir des dettes publiques, le sénateur PCF du Nord estime qu’il faut démystifier la dette et se donner les moyens d’en bâtir une vertueuse. Entretien avec Aurélien Soucheyre pour l’Humanité

Le montant de la dette française, de 2 740 milliards d’euros, ne vous effraie pas ?

Éric Bocquet Fin 2019, alors que nous approchions des 100 % de dette sur PIB, cette barre symbolique était présentée comme apocalyptique. Six mois plus tard, avec la crise du Covid, nous étions à 120 % sans que les marchés financiers ne s’en émeuvent. La France n’a aucune difficulté à se financer et les banques font la queue pour lui prêter de l’argent. Il y a donc un paradoxe absolu entre le discours catastrophiste du gouvernement et la grande quiétude des marchés. La France sait très bien faire rouler sa dette et n’a pas fait défaut depuis 1797, lorsque le Directoire a décidé d’en supprimer les deux tiers. Depuis, elle paie rubis sur l’ongle.

Il est donc possible d’annuler une dette ?

Éric Bocquet Absolument. L’Allemagne en février 1953 a bénéficié d’une réduction de 60 % de sa dette. Nous étions en pleine guerre froide, huit ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Cet abandon, couplé au plan Marshall, lui a permis de redevenir la première puissance économique de l’Europe en quelques années. C’était une situation exceptionnelle, mais qui peut dire qu’elle ne l’est pas aujourd’hui, face à l’urgence climatique et sociale ?

Qui détient la dette de la France ?

Éric Bocquet C’est une grande question ! À part les 25 % détenus par la Banque centrale européenne (BCE), l’Agence France Trésor nous répond que nous sommes incapables de savoir qui détient nos titres, car ils s’échangent trop vite sur les circuits financiers. C’est pourtant fondamental. Tout comme de rappeler que, si nous arrêtions d’emprunter aux marchés financiers aujourd’hui, la totalité de la dette française serait remboursée en seulement huit ans et sept mois.

C’est très court, surtout pour un État…

Éric Bocquet Ce n’est même pas la durée d’une demi-génération ! C’est bien la preuve qu’il faut faire la lumière sur la dette et la démystifier à travers un grand débat public, pour pouvoir décider de la meilleure marche à suivre. Est-ce que cela a du sens de calculer notre ratio entre, d’un côté, notre dette totale et, de l’autre, notre produit intérieur brut annuel ? J’indique d’ailleurs qu’avec la dette, on parle toujours du passif de l’État. Mais jamais de son actif ! Il y en a pourtant avec nos écoles, nos hôpitaux, notre réseau ­ferroviaire… Cet actif serait de 6 000 milliards d’euros. Cela relativise le poids de la dette !

Comment est née cette dette ?

Éric Bocquet Des allégements d’impôts considérables ont été consentis aux plus riches, aux grandes entreprises et au capital. Cela représente des centaines et des centaines de milliards d’euros… Tellement que le budget de la France est aujourd’hui financé moitié par l’impôt, moitié par la dette. La finance est gagnante deux fois : elle paie moins d’impôts et nous lui achetons de la dette ! Il y a aussi l’interdiction faite à la BCE de financer les États. Auparavant, c’est la Banque de France qui finançait l’État, et les Français pouvaient souscrire à des bons du Trésor. Les États-Unis ou le Japon fonctionnent toujours de la sorte.

Y a-t-il une part illégitime de dette ?

Éric Bocquet En 2008, les États ont volé au secours des banques et leurs dettes ont alors augmenté. Est-ce que pour autant les banques ont changé de comportement ? Il faut donc organiser un grand audit démocratique de la dette. D’autant plus qu’elle est instrumentalisée pour détricoter notre modèle social et justifier les plans de privatisation les plus fumeux. Il faut aussi savoir que nous versons chaque année 40 milliards d’euros d’intérêts de dette aux marchés, soit notre troisième poste de dépenses, derrière l’éducation et la défense. Et il y a enfin la fraude fiscale, qui est chaque année supérieure à notre déficit structurel. Cherchez l’erreur…

Quelles solutions préconisez-vous ?

Éric Bocquet L’épargne globale des Français est à ce jour de 5 600 milliards d’euros. Pourquoi ne pas imaginer que cette épargne réelle serve à financer les investissements de demain, plutôt que d’être à la merci des marchés financiers ? Pourquoi ne pas revoir le rôle de la BCE et lui permettre de prêter aux États ? Pourquoi ne pas supprimer les 3 000 milliards d’euros de dette d’États européens qu’elle détient, comme l’ont proposé 150 économistes ? Le paradoxe actuel, c’est que la dette augmente mais les taux d’intérêt baissent : plus on emprunte, moins on paie. Face au défi climatique, il faut des moyens colossaux.

Pourquoi ne pas emprunter pour investir massivement dans l’économie réelle, dans l’isolation thermique qui permet de réaliser des économies d’énergie, mais aussi de créer de l’emploi, de la croissance, et alimenter le budget de l’État ? Il est grand temps de créer une dette vertueuse. L’austérité ne fonctionne pas : la purge infligée à la Grèce n’a eu pour effet que d’augmenter sa dette sur PIB et d’affaiblir ce pays avec les conséquences sociales catastrophiques que l’on sait.

2 réflexions sur “Dette vertueuse

  1. Prosper

    Le CAC 40 poursuit sa hausse
    Les Échos – Double record pour le CAC 40 – 16/11/2021 – Laurence Boisseau

    En Bourse, le CAC 40 termine la séance du 15 novembre 2021 avec une hausse de 0,53% à 7 128,63 points, battant son record de clôture du 12 novembre 2021. L’indice a été soutenu par les bons résultats des entreprises et le maintien des politiques accommodantes des banques centrales. Le même jour, Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne (BCE), repoussait les spéculations du marché relatives à un resserrement de la politique monétaire de l’institution financière.

    La reprise stimule le versement des dividendes
    Les Échos – Les dividendes s’envolent à des niveaux record – 16/11/2021

    Les dividendes évoluent à des niveaux record avec la reprise économique suite à la crise sanitaire. Une étude du gérant Janus Henderson avance qu’ils devraient dépasser leur pic pré-pandémique dès 2021. Entre juillet et septembre, les versements ont atteint 403,5 milliards de dollars. Selon la société de gestion, les actionnaires des grandes sociétés cotées devraient percevoir un montant record de 1 460 milliards de dollars sur l’ensemble de l’année même si les montants versés ont chuté au cours du troisième trimestre en Europe.

    La performance des encours investis dans les fonds spéculatifs
    Les Échos – L’industrie des hedge funds franchit les 4 000 milliards de dollars – 16/11/2021

    Si le secteur mondial des fonds spéculatifs (hedge funds) était tombé sous la barre des 3 000 milliards de dollars au début de la crise sanitaire, les encours investis dans cette industrie ont atteint un haut niveau en octobre 2021, à 4 004 milliards de dollars. Cette performance concerne quasiment tous les types de stratégie. Tiré par les fonds long/short actions, l’indice composite HFRI 500 Fund a gagné 1,6% en octobre et 11,4 % depuis le 1er janvier.

    —————- et pendant ce temps là ——————

    Les dépenses contraintes des Français
    Le Parisien – Tous les mois, ces dépenses qui font mal – 16/11/2021 – Victor Tassel

    Les dépenses contraintes sont les charges dont les ménages français ne peuvent s’affranchir. Selon une étude du comparateur en ligne Lesfurets.com et l’institut CSA Research, ces dépenses pèsent en moyenne 1 059 euros par mois. Elles représentent « près de 35% des revenus net en moyenne », précise Rami Karam, directeur général de Lesfurets.com, et peuvent atteindre 68% pour les foyers aux faibles revenus. Le logement se trouve en tête des onze dépenses incompressibles listées par l’étude.

    … Youplaboum

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  2. Edouard

    Selon un rapport de la chambre régionale des comptes de Normandie, le désendettement de la ville du Havre s’est fortement dégradé entre 2012 et 2017, alors qu’Edouard Philippe en était le maire, rapporte le Huffington Post.

    La ville du Havre se rapproche du seuil d’alerte. Dans un rapport, la chambre régionale des comptes de Normandie vient de tirer la sonnette d’alarme. Entre 2012 et 2017, lorsqu’Edouard Philippe en était le maire, l’encours de dette du budget principal de la ville du Havre a augmenté de 15% et a dépassé les 268 millions d’euros au 31 décembre 2017, rapporte le Huffington Post. « La ville s’est placée dans une trajectoire défavorable (…) Le nombre d’années qu’il faudrait pour rembourser la dette passe de moins de sept ans en 2011, ce qui était optimal, à plus de onze ans en 2017, ce qui rapproche la ville du seuil d’alerte (placé au-delà de 12 ans, ndlr) », indique la chambre dans son rapport, publié le 1er octobre.

    Le rapport pointe du doigt certaines subventions dont la légalité est jugée « discutable ». La gestion des fonctionnaires est également remise en question par la chambre régionale des comptes de Normandie. « Les actions de modernisation des services n’ont pas permis des gains significatifs de productivité », note le rapport.

    Seuls points positifs : « la gestion de l’encours de la dette » qui reste « saine » et « le report » au prochain mandat du réaménagement de l’entrée de la ville du Havre, dont le coût est estimé à 21 millions d’euros. Un prochain mandat qui pourrait justement être celui d’Edouard Philippe, puisque le Premier ministre n’a pas exclu de se représenter lors des élections de 2020.

    6Medias, publié le mercredi 03 octobre 2018 à 11h29

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