Aquarius

À bon port

Éditorial de Paule Masson, dans l’Humanité du 26 septembre 2018

Un bateau, un seul, l’Aquarius, demande à accoster à Marseille avec 58 passagers à bord, seulement 58, et un pays, la France, qui compte 65 millions d’habitants et borde la Méditerranée, lui interdit son port. 

L’équipage n’a qu’à accoster à Malte, a snobé l’exécutif hier ! La morgue macroniste est sans frontières. Un président digne du pays des droits de l’homme aurait offert le gîte et le couvert à tous, qui fuient la peur, cherchent refuge, réconfort et reconstruction d’une vie. Victor Hugo ne disait-il pas de la solidarité qu’elle est une « idée universelle » ? Au lieu de ça, la France a accepté du bout des lèvres d’ouvrir ses portes à 18 d’entre eux.

Déjà, en juin et en août dernier, les autorités françaises avaient refusé d’accueillir l’ Aquarius à bon port, laissant les naufragés et leur capitaine en errance au milieu de la mer, sans sol, sans lieu, sans respect du minimum du minimum : le « devoir d’humanité ». Le scénario d’inhospitalité se répète, alors même que le nombre de candidats au départ a diminué de près de moitié en deux ans. Le nombre d’« arrivants » en Europe ne représente même pas 1 % de sa population, mais l’UE s’entête à vouloir faire des pays du Maghreb les gardiens de ses miradors.

Alors que les vents mauvais du rejet, du racisme et de la haine soufflent déjà sur le débat électoral des prochaines élections européennes, la France pourrait ramer à contre-courant, hisser pavillon sur la poupe de l’Aquarius, accorder au bateau son passeport de navigation retiré par le Panama, sous pression de l’Italie de Salvini. Le navire de SOS Méditerranée est le dernier remorqueur civil à patrouiller sur cette route migratoire, la plus mortelle au monde. Sans papiers, le navire, dont le port d’attache est pourtant marseillais, sera voué à l’oubli et ses passagers réduits à sombrer sans témoins dans les profondeurs du cimetière méditerranéen. Emmanuel Macron va être aujourd’hui décoré par l’ONU du titre très usurpé de « champion de la Terre ». Pour l’heure, il plonge la tête la première dans les eaux saumâtres des fossoyeurs des mers.

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3 réflexions sur “Aquarius

  1. Une honte française
    Le Panama, sous pression de l’Italie, vient de retirer pavillon et immatriculation à l’Aquarius. L’humanitaire devient ainsi illégal. Matteo Salvini fait la loi en Europe, et la France s’y conforme. Triste bilan.
    Décidément, le gouvernement français ne se grandit pas dans l’interminable feuilleton de l’Aquarius. Après Matignon, c’est le ministre des Finances, Bruno Le Maire, qui, mardi, a dit « non » au navire humanitaire dont l’équipage demandait le droit d’accoster à Marseille. Nos ministres, en toute mauvaise foi, continuent d’ânonner le même refrain : c’est au pays le plus proche d’accueillir les migrants. En l’occurrence, l’Italie. Point besoin de droit ou de politique européenne, c’est la géographie qui gouverne ! Paris feint d’ignorer qu’une extrême droite xénophobe est au pouvoir à Rome ou, pire encore, lui confère une détestable légitimité en imitant sa politique. Mais la guéguerre avec l’Italie n’est pas la principale motivation du gouvernement français. La volonté de flatter une partie de l’opinion sensible à la propagande de Marine Le Pen et de Laurent Wauquiez pèse davantage dans ce comportement sans principes.
    Dans cette situation, il faut saluer une fois de plus le courage des humanitaires qui ne renoncent pas dans l’adversité. Les soutenir est l’objectif de l’appel que nous publions cette semaine. Car ce n’est plus seulement que des ONG doivent se substituer à la défaillance des États, elles doivent aussi résister à leurs attaques. La dernière en date étant la décision de Panama, sous pression de l’Italie, de retirer pavillon et immatriculation à l’Aquarius. L’humanitaire devient ainsi illégal. Matteo Salvini fait la loi en Europe, et la France s’y conforme. Triste bilan.
    C’est donc peu dire que l’Europe va mal et qu’elle n’incarne pas les grands principes dont elle se réclame les jours de fête.
    Denis Sieffert dans Politis

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  2. L’organisation Médecins sans frontières (MSF) a lancé jeudi un appel aux gouvernements du monde pour que le navire humanitaire Aquarius obtienne un pavillon après la décision du Panama de lui retirer son immatriculation.

    « Nous faisons appel à tous les gouvernements, pas seulement européens, aux gouvernements qui ont à coeur la vie des gens afin qu’un pavillon nous soit donné », a déclaré Claudia Lodesani, présidente de MSF Italie lors d’une conférence de presse à Rome.

    « Nous voulons continuer à travailler en Méditerranée, la mer aujourd’hui la plus dangereuse du monde, de façon transparente et en respectant la loi, comme nous avons toujours fait » a-t-elle ajouté.

    Affrété par deux ONG, MSF et SOS Méditerranée, l’Aquarius est le dernier navire humanitaire en Méditerranée centrale à recueillir des migrants qui tentent la traversée clandestine vers l’Europe.

    Le Panama a annoncé samedi qu’il allait retirer son pavillon au navire, déjà privé d’immatriculation par Gibraltar, pour « non-respect » des « procédures juridiques internationales » concernant le sauvetage de migrants en mer.

    « Les gens continuent à mourir en mer, il n’est pas vrai qu’il n’y a plus de morts, simplement nous les voyons moins parce qu’il n’y a plus de témoins, nous sommes le dernier bateau », a déclaré Claudia Lodesani. Selon elle, depuis le début de l’année « il y a eu 1.260 morts en Méditerranée ».

    L’Aquarius se trouve actuellement au large de Malte avec 58 migrants à son bord, dans l’attente de les transborder sur un autre bateau dans les eaux internationales.

    Les migrants doivent ensuite être répartis entre l’Allemagne, le Portugal, la France et l’Espagne qui se sont mis d’accord pour les accueillir.

    Interrogé sur la possibilité pour l’Aquarius, évoquée dans la presse, de recevoir un pavillon du Vatican, Frédéric Penard, directeur des opérations de SOS Méditerranée, a expliqué que l’ offre serait « bien accueillie ».

    « Nous n’avons pas directement contacté le Vatican, il existe un registre (d’immatriculation maritime) au Vatican qui, selon moi, n’a pas été utilisé depuis plus d’un siècle », a-t-il déclaré.

    « Mais nous accepterions volontiers une proposition du Vatican car nous avons besoin d’un pavillon pour que l’Aquarius poursuive sa mission en Méditerranée », a-t-il ajouté.

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