
Jacques Baudrier : « Sans nouvelles recettes, le pass Navigo sera à 100 euros »
Administrateur communiste d’Île-de-France Mobilités, Jacques Baudrier tire la sonnette d’alarme alors qu’un conseil d’administration pourrait acter, le 7 décembre, une hausse des abonnements du pass Navigo.
Interview publié dans l’Humanité ; Naïm Sakhi (le 2 novembre, avant les annonces de V. Pécresse)
La présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse, propose une augmentation de 15 euros du pass Navigo pour 2023.
Se dirige-t-on vers une forte augmentation du prix du pass Navigo, qui permet aux Franciliens de circuler en train, métro, tram, bus et RER ? Cette mesure antisociale pourrait voir le jour en 2023, alors que le projet de loi de finances (PLF) ne prévoit pas de hausses du versement mobilité, en direction d’Île-de-France Mobilités (IDFM), en proie à de graves difficultés financières.
Entretien avec Jacques Baudrier, adjoint PCF à Paris, et administrateur d’IDF-Mobilités.
Pourquoi les finances d’Île-de-France Mobilités sont-elles dans le rouge ?
Depuis cinq ans, la présidente de la région, Valérie Pécresse, se refuse à chercher de nouvelles recettes, faisant ainsi vivre IDFM à crédit. C’est particulièrement marquant en 2022, année durant laquelle sa dette a augmenté de 5 à 8 milliards. La crise liée au Covid vient s’ajouter à ce sous-financement. La situation est grave, à tel point que le dossier d’orientation budgétaire pour 2023 prévoit un manque de 750 millions pour le fonctionnement des transports en commun franciliens. Et de 1,3 milliard pour 2024. Pour faire face, il existe deux sources de recettes : soit une hausse du pass Navigo, soit un vote à l’Assemblée nationale pour augmenter le versement mobilité. C’est ce que les administrateurs communistes d’IDFM réclament.
Qu’est-ce qui se joue d’ici au 7 décembre ?
C’est la date du prochain conseil d’administration d’IDFM, qui sans nouvelles recettes augmentera le pass Navigo à 100 euros. Pendant des années, Valérie Pécresse se refusait à rehausser le versement mobilité, sous prétexte qu’il n’y avait pas de problème de recettes. Désormais, elle a opéré un virage à 180 degrés. En faisant déposer par les députés LR un amendement au projet de loi de finances, elle espère dégager 300 millions de nouvelles recettes, qui ne combleront cependant pas les 750 millions de pertes prévues. Cette proposition reviendrait in fine à augmenter autour de 15 euros le prix du passe Navigo, pour 2023, afin d’équilibrer les comptes. Le gouvernement fait la sourde oreille, à coup de 49.3, laissant le soin à la région et à IDFM de se débrouiller. A contrario, les députés PCF proposent une hausse du versement mobilité à hauteur de 1 milliard d’euros, avec la création d’une zone de paiement, mettant uniquement à contribution les entreprises du centre et de l’Ouest parisien, les territoires les plus riches d’Île-de-France. Cette bataille n’est pas nouvelle. Nous avons obtenu quatre hausses depuis 2010, dont l’une de 500 millions pour financer le pass Navigo unique.
Une hausse du pass Navigo est-elle tenable alors que les Franciliens sont pris à la gorge par l’inflation ?
Sur les réseaux sociaux, à la suite de nos communications, beaucoup d’usagers nous interpellent et annoncent qu’ils ne payeront plus. Cette augmentation est d’autant plus scandaleuse que Valérie Pécresse et Emmanuel Macron s’entendent pour privatiser les transports en commun, provoquant ainsi une désorganisation totale symbolisée par le quart de bus en moins à la RATP. En dix jours, notre campagne « Stop galère » a recueilli plus de 10 000 signatures (plus de 35 000 ce 4 décembre, ndlr). Nous ambitionnons d’atteindre assez rapidement les 100 000. Il y a une forte tension. Cette situation est comparable à celle du début des années 1970, quand une volonté d’augmenter le prix du billet de métro avait déclenché d’importantes manifestations.