Comment devenir une ville cyclable (4)

Münster, retours d’expériences importables à St-Gratien ?

Vélos et commerces en centre-ville, une étude réalisée à Münster

L’équation « vitalité du commerce = accès en voiture » est loin d’être vérifiée dans les faits. La contribution de la clientèle arrivant en transports publics, à vélo et à pied est largement sous-estimée, tout comme est sous-estimé l’impact pour nos villes et pour l’environnement urbain, de l’implantation de grandes sociétés de distribution et de milliers de places de stationnement en périphérie.

Décorations des lampadaires sous les arcades de la Prinzipalmarkt

Une étude réalisée à Münster en Allemagne révèle plusieurs faits méconnus. L’étude portait sur trois supermarchés ou supérettes (dont l’assortiment est suffisant pour de « grandes courses » une fois par semaine ou une fois tous les quinze jours) et sur un grand magasin ayant en outre des rayons divers (vêtements, boutique, articles de luxe, etc…)

  • Les automobilistes ne sont pas meilleurs clients que les cyclistes, piétons ou les usagers des transports publics. Dans certaines catégories, les cyclistes sont même meilleurs clients. Les cyclistes, achetant de moindres quantités par visite, viennent plus régulièrement au magasin (11 fois par mois en moyenne, contre 1 fois par mois pour les automobilistes) et… s’exposent plus souvent à la tentation.
  • Dans des commerces en milieu urbain, les automobilistes sont minoritaires (25 à 40% de la clientèle, selon qu’on est en semaine ou le samedi)
  • À peine 25% des automobilistes quittent un commerce avec deux sacs de marchandises ou plus, contre 17% des cyclistes. Trois quarts des automobilistes n’ont donc rien à transporter qui les empêcherait d’utiliser un autre mode de transport.
  • Compte-tenu des distances, des destinations après la visite du commerce et des quantités achetées, l’étude conclut qu’une majorité des automobilistes pourraient souvent se passer de leur véhicule pour leurs achats.

Il faut encore souligner que la vitalité des commerces est liée à la qualité de l’environnement. À Berlin, on a constaté que les déplacements des piétons et des cyclistes à l’intérieur des quartiers augmentaient fortement après l’instauration générale d’une limitation de vitesse à 30 km/h en dehors des grands axes de circulation. Pour le motif domicile/commerces, cette augmentation atteignait parfois 40%.

De même, une enquête réalisée à Strasbourg indique que, dans le centre-ville, il y a eu une augmentation de fréquentation de plus de 30% à surface commerciale inchangée après piétonnisation et fermeture à la circulation de transit.

À Berne, une enquête portant sur 1200 consommateurs a établi, en moyenne annuelle, le rapport entre la valeur des achats et la surface de stationnement utilise par chaque client.

Résultat : c’est avec les cyclistes que la « rentabilité-stationnement » est la plus favorable : 7500€ par mètre carré. Les automobilistes suivent avec 6625€ par mètre carré.

Quel paradoxe, alors que les cyclistes ne disposent pas de coffre pour embarquer leurs achats et sont donc forcés de limiter les quantités qu’ils achètent…

Extraits de : Villes cyclables, villes d’avenir (europa.eu)

Informations complémentaires et sources :

Die Mobilitätspioniere (wn.de)

https://urbanattitude.fr/dans-quelle-ville-du-monde-est-il-agreable-de-faire-du-velo/

Münster, la ville rhénane aux 600.000 vélos — Weelz.fr

Le vélo à Münster en Allemagne, « Un jour en Allemagne », Arte, 26 janvier 2016 – YouTube

Lutte contre la pollution : Les politiques cyclables en Europe (robert-schuman.eu)

80 000 cyclistes allemands distinguent leurs « capitales du vélo » – L’interconnexion n’est plus assurée (lemonde.fr)

Top 15 villes les plus cyclables d’Europe – Journal d’Europe (journaldeurope.com)

NB : Article  » Les aménagements cyclables singuliers de Münster » de Stéphane BAUER,  ainsi que les photos, hormis celles sourcées

Comment devenir une ville cyclable (3)

Münster, retours d’expériences importables à St-Gratien ?

Un peu d’histoire….

Leezen Stories from Münster

Les frères Knubel : en 1886, les pionniers de la mobilité douce à Münster

Lorsque Carl Benz a déposé le brevet pour sa première automobile à moteur à combustion, nous étions en 1886. Le véhicule à trois roues est considéré comme le prototype de l’automobile moderne.

À cette époque, le deux-roues prenait lui de la vitesse à Münster : Anton Knubel ouvrait ce qui était probablement le premier magasin de vélos de la ville.

Les frères Knubel (de droite à gauche) : Les frères Bernard, Anton et Johannes avec des roues modernes. Bernard et Anton Knubel ont été parmi les premiers cyclistes à Münster. Photo: Ville de Münster

C’était peut-être même le premier dans toute la Westphalie, comme le soupçonne l’historien de Münster, le Dr Bernd Haunfelder, qui s’est penché sur cette histoire. Les Knubel ont fait de Münster une ville pionnière de la mobilité douce.

« Tous systèmes de Vélocipède aux prix les moins chers » – le 10 avril 1886, Knubel a annoncé l’ouverture de son nouveau magasin au 5 Schützenstraße avec une publicité de la taille d’un timbre-poste dans le « Münsterischer Anzeiger ». Il y avait aussi un service de réparation. Un mois plus tard, Knubel attirait ses clients avec un paiement à crédit – et une offre très spéciale : cinq heures de cours de vélo gratuits.

En 1887, Knubel s’installe Au 6 Ludgeriplatz dans le bâtiment de l’usine de marbrage et de l’atelier de broyage de marbre de Christoph Bernard Mosecker. Là, Knubel vend des deux-roues et des trois-roues en tant que seul représentant de la société Giraffe de Sheffield, en Angleterre.

Entre-temps, d’autres magasins de vélos ont ouvert à Münster, comme Haunfelder l’a démontré sur la base de diverses publicités. Le pionnier Knubel a travaillé pendant plusieurs années avec un associé : Anton Schellen, petit-fils du célèbre photographe de Münster, Friedrich Hundt.

En 1896, Knubel installe un magasin sur Industriestraße, rue qui s’appelle maintenant Südstraße. « Des vélos à des prix soldés bien en dessous de leurs prix d’achat », peut-on encore lire dans une annonce publicitaire d’Anton Knubel.

Knubel s’est également distingué en tant qu’inventeur : il a déposé un brevet pour la « jante en bois de vélo avec pneus pneumatiques, avec une gouttière pour attacher la veste de course ».

Au tournant du siècle, Knubel est passé de deux à quatre roues : titulaire d’un permis de conduire à Münster, il a exploité un commerce de voitures à moteur au nom des sociétés Adler et Opel. Il a été le premier et pendant quelques années le seul concessionnaire automobile dans la capitale provinciale Münster et sa région.

Bernard, son frère, qui a participé aux premiers Jeux olympiques modernes à Athènes en 1896, s’est également investi dans le commerce de vélos peu de temps après. En 1897, il a présenté les tout derniers modèles de l’époque avec là aussi une série de publicités : les roues Adler, Opel, Allright, Möve et Victoria étaient dans le magasin du 3a Ludgeriplatz.

Selon les recherches de Haunfelder, les deux frères Knubel se sont également fait un nom en tant qu’instructeurs [de cyclisme] à Münster : ils ont donné des leçons pour se déplacer à vélo sur l’actuelle Weseler Straße. Tous deux étaient des champions cyclistes et ont également organisé les premières courses cyclistes en ville avec Bauer.

Article issu et traduit de :  Die Mobilitätspioniere (wn.de)

Comment devenir une ville cyclable (2)

Münster, retours d’expériences importables à St-Gratien ?

2. Les aménagements cyclables singuliers de Münster

Les grandes métropoles européennes s’accordent maintenant presque toutes pour reconnaître que la pratique de la bicyclette doit redevenir le transport urbain de demain. C’est également le cap qu’a choisi Paris [1].

Néanmoins, la topographie des villes et le poids des habitudes en matière de déplacements ne permettent pas forcément un usage régulier du vélo dans les trajets quotidiens.

En Allemagne, Münster à 150 km au nord de Cologne, est une des villes les plus en pointe : 38% des déplacements dans Münster se font à vélo.

Bibliothèque universitaire

Qu’est ce qui explique cela ?

1 – Des aménagements dédiés à la pratique du vélo :

L’exemple le plus emblématique est constitué par La Promenade (en français dans le texte), qui est une voie bordée d’arbres qui, sur près de 5 km, fait le pourtour de la ville historique et permet de relier n’importe quels points en ville, ou bien constitue un point de départ vers les faubourgs de la ville, jusqu’à dans la campagne münstérienne.

Maquette de la ville de Münster (1930) au Musée Municipal

Sur La Promenade, qui de fait constitue un périphérique pour les mobilités douces, la voie bitumée est réservée aux cyclistes, avec une circulation à double sens. De part et d’autre de la voie pour les vélos, deux chemins en terre battue sont réservés aux piétons.

Chaque franchissement de rue par La Promenade est marqué par un abaissement du trottoir au niveau de la chaussée, ce qui facilite le passage des vélos, ainsi que par un stop, ou par un feu afin de garantir la sécurité des cyclistes. En leur absence, la règle de la priorité à droite s’applique. Selon le sens, le cycliste ou l’automobiliste doit la priorité.

Münster comprend plus de 450 km de pistes cyclables. Des pistes dédiées à la pratique du vélo avec un sens de circulation unique : les règles pour les vélos sont les mêmes que pour les voitures. À chacun son couloir. Pas de jaloux. Une grande rigueur mais en même temps une grande fluidité.

Au niveau des grandes artères, le choix a été fait de ne pas faire circuler les vélos avec les voitures. Les routes sont réservées aux voitures et aux bus. Les cyclistes partagent les trottoirs avec les piétons. Afin que la cohabitation des différents moyens de transports soit harmonieuse, les vélos circulent sur les trottoirs et dans le même sens que les voitures. Pas de risque de se retrouver sur une piste nez à nez avec un autre vélo venant en sens inverse avec le risque d’accrocher à son passage son guidon. Sur les trottoirs, la voie colorée en rouge est réservée aux vélos. Les piétons ont un couloir gris.

Aux carrefours, un marquage au sol et une signalétique aérienne spécifiques, l’une pour les piétons et l’autre pour les cyclistes permettent de fluidifier la traversée des chaussées.

La cohabitation entre les différents modes de déplacement est harmonieuse parce que chacun s’astreint à suivre les règles qui s’imposent à son mode de véhiculement : gare au piéton ou au cycliste qui sort de son couloir sur les trottoirs. De même, un automobiliste ne se risque pas à se mettre à cheval sur la route et le trottoir réservé à la piste cyclable avec ses warnings : il s’en fait immédiatement chasser par les cyclistes.

2 – Des pratiques innovantes :

Le tir-courses :

Le tricycle pour personne âgée :

Le nombre de magasins de vente d’accessoires pour vélos et d’ateliers de réparation :

3 – Des champs de progression :

Des parkings à vélos abrités : il y en a un au niveau de la gare (d’une capacité de 12 000 vélos). Et quelques-uns ici et là dans des parcelles privées. Voire des solutions détonantes, pas pratiques pour tout le monde, pour garer son vélo :

Le reste du temps, chacun fait comme il peut pour attacher son vélo à un arceau – il y en a devant presque chaque commerce, carrefour ou espace où il y a du public, mais en nombre très inférieurs vu le nombre de vélos qui circulent en ville… chacun souhaitant, par ailleurs, avoir son vélo près de soi… – avec la difficulté parfois de pouvoir récupérer son vélo au vu du nombre de vélos attachés. D’où le succès des ventes de béquilles dans les grandes surfaces.

Des pompes en libre-service pour regonfler ses pneus comme vues à Strasbourg…

À suivre…

Texte et photos Stéphane BAUER

[1] Paris: le besoin de pistes cyclables (bfmtv.com)

Comment devenir une ville cyclable (1)

Münster, retours d’expériences importables à St-Gratien ?

1 – Comment Münster est devenue une ville cyclable

Ce que les moutons sont à la Nouvelle-Zélande, les bicyclettes le sont à Münster. Aujourd’hui, il y a plus de vélos que d’habitants dans la ville de Rhénanie du Nord-Westphalie. Ce n’est pas un hasard si Münster est devenue la capitale du vélo : les pères de la ville ont pris une décision remarquable.

Münster et les vélos, c’est comme Duisburg avec le commissaire Schimanski (Cf. Les enquêtes policières de Horst Schimanski dans la ville de Duisbourg), ou Munich et la fête de la bière. Le « Leeze », comme on appelle ici le deux-roues, contribue en grande partie au charme pour lequel Münster est si populaire. Incidemment, les déplacements en vélos améliorent énormément la qualité de vie : moins de gaz d’échappement, de taux de CO² et de bruits de voiture. Pas étonnant que Münster ait reçu le titre de « capitale fédérale de la protection du climat » en 1997 et 2006 et de capitale allemande du vélo en 2016.

Münster : plus de vélos que d’habitants

Non seulement les nombreux étudiants (plus de 50 000) parcourent en vélo le centre-ville historique, mais aussi la patrouille de police, les couples de mariés et le maire (ci-dessous photo du maire extraite de « Impulse Das QuartiersMagazin »)

Un vélo n’est généralement pas suffisant pour les habitants de Münster. En moyenne, il y a 1,67 bicyclette par habitant.93% des Munstérois ont un vélo. Un sur deux en a au moins deux… Cela représente environ plus d’un demi-million de vélos dans les rues de Münster.

Avec autant de roues, des tournevis et des clés à molette sont également nécessaires : dans plus d’une centaine de magasins et d’ateliers de vélos, les chaînes sont huilées, les chambres à air réparées et les freins resserrés.

Il y a 200 ans : Anton Knubel ouvre un magasin de vélos

Le premier magasin de vélos de la ville a ouvert ses portes il y a plus de 200 ans.     « Vélocipède tous systèmes, aux prix les moins chers » était indiqué en avril 1886 dans une annonce du journal local. C’est ainsi qu’Anton Knubel a promu l’ouverture de son nouveau magasin. Il n’y avait pas seulement des vélos, mais également une école de conduite associée, où les clients pouvaient apprendre à faire du vélo.

Décorations des lampadaires sous les arcades de la Prinzipalmarkt

Plus tard, son frère Bernard s’est lancé aussi dans le commerce de vélos. Bernard avait déjà participé aux Jeux olympiques d’été de 1896 à Athènes. Les frères et sœurs Knubel ont plus tard organisé les premières courses cyclistes à Münster.

D’autres entrepreneurs leur ont rapidement emboîté le pas et le deux-roues a progressivement gagné en popularité. Cependant, la véritable percée de la bicyclette n’a eu lieu qu’après la Seconde Guerre mondiale.

Reconstruction d’après-guerre : Münster reste fidèle à ses racines

Après la Seconde Guerre mondiale, Münster a été plus détruite (à 92%) que toutes les autres villes allemandes. La vieille ville a dû être presque entièrement reconstruite.

À ce moment-là, la voiture avait déjà commencé sa marche triomphale. Ce qui a été pris en compte ailleurs avec des itinéraires de circulation généreux. Mais à Münster, une autre voie a été choisie : il a été décidé de reconstruire le cœur de la ville tel qu’il existait avant la guerre.

Münster fait tourner une grande roue

Les cyclistes ont bénéficié avant tout de la reconstruction dans le style architectural traditionnel, avec des aménagements modernes très prudents. Alors que les voitures s’entassaient dans les rues étroites du tracé médiéval, les vélos passaient sans encombre. Autre avantage : Münster est plat et aménageable. Une condition préalable importante pour les déplacements à vélos.

Au fil des ans, la pratique du vélo à Münster a été spécifiquement promue. Dès les années 1960, il est apparu évident que Münster ne serait pas en mesure de faire face au trafic automobile à venir. Le vélo offrait un moyen de sortir de l’ornière où l’avait mises les destructions de la guerre. Par conséquent, le conseil municipal a pris de nombreuses mesures qui ont favorisé le cyclisme avec entre-autre l’extension d’un vaste réseau de pistes cyclables. Au total, aujourd’hui, vous pédalez sur environ 300 km de pistes cyclables à travers Münster.

Münster a-t-elle besoin de nouvelles impulsions ?

En plus des vols de vélos, le risque accru d’accidents constitue le bémol dans la success story de la capitale du vélo. La police de Münster a dénombré (en 2015) 9 735 accidents de vélos.

Le réseau de pistes cyclables tant vanté a été critiqué pour plusieurs raisons : Comme dans de nombreuses villes, des bordures de séparation entre la voie réservée aux voitures et celles réservée aux vélos ont été construites. Bien que les cyclistes se sentent plus en sécurité, ils peuvent avoir des accidents : les automobilistes négligent les cyclistes sur les pistes cyclables en bordure de trottoir. Vous pouvez vous retrouver dans l’angle mort des voitures : une portière de voiture ouverte négligemment et cela peut mal finir pour un cycliste.

Malgré tout, les habitants de Münster continuent de grimper leur « Leeze » tous les jours. Près de 40% des trajets quotidiens sont couverts en vélo. Selon le maire, ce chiffre devrait même atteindre 50% à l’avenir. Après tout, le vélo reste le moyen de transport le moins encombrant, le plus silencieux et le plus respectueux de l’environnement. En outre, les rayons des segments des pistes cyclables à partir du centre-ville doivent être augmentés de huit à quinze ou vingt kilomètres.

L’avenir avec le vélo

Afin d’atteindre ces objectifs ambitieux, Münster, en collaboration avec des citoyens et des experts, a lancé le « Münster 2025 Cycling Concept ». Il se penche également sur d’autres capitales du cyclisme, tels que Copenhague où il existe des pistes cyclables beaucoup plus larges et donc plus sûres. Des autoroutes cyclables telles que celles de Londres et de Madrid, où les cyclistes roulent au milieu de la route principale, sont également envisageables pour Münster. Une offre de services avec des parkings à vélos protégés contre les intempéries, des stations de pompage d’air et des « stations-service pour vélos électriques » dans le centre-ville sont également prévues.

Dans Münster, la capitale du vélo, les gens continueront à faire de la bicyclette avec diligence à l’avenir. Pour les touristes qui voudraient pédaler un peu plus tranquillement, les excursions à vélo dans la campagne westphalienne sont idéales : dans le Münsterland, vous pouvez explorer les paysages variés de rivières et de prairies de Warendorf à Borken sur 4 500 km de pistes cyclables.

À suivre…

Article traduit de l’allemand, à lire ici

Photos : Stéphane Bauer