Notre Dame ravagée

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L’incendie de Notre-Dame maîtrisé, les dégâts restent difficiles à évaluer

Les pompiers sont parvenus dans la nuit de lundi à mardi contrôler le sinistre qui a ravagé la toiture et la charpente de la cathédrale. Mais il est trop tôt pour savoir si la structure de l’édifice a été fragilisée. Les dons pour la reconstruction commencent à affluer. Un article de l’Humanité ci-dessous.

Les passagers de la cathédrale

Valère Staraselski

Qui dira, davantage que l’immense tristesse, que la fragilité et la limite des mots officiels, l’effroi, la sidération, le désarroi total, la douleur profonde, la colère aussi comme une défense, devant cette inconcevable réalité : Notre-Dame de Paris prisonnière de la fureur des flammes ! 

Notre-Dame de Paris livrée au brasier, suppliciée. Notre-Dame, telle une martyre figée au milieu des flammes, comme ligotée, muette d’épouvante, incapable de se défendre, de se défaire, d’échapper à cette absolue, injustifiable et indéfendable injustice ! A cette cruauté. Pourquoi elle ? Pourquoi précisément elle, vieille dame qui veille sur la capitale et le pays depuis huit siècles ? Pourquoi elle sans qui Paris n’est plus Paris ? Pourquoi elle sans qui notre pays, si malmené en ces temps-ci, se réveille un peu abasourdi, orphelin ? Pourquoi elle qu’un écrivain magique a, par la grâce d’un roman de papier, rendu au peuple en inscrivant durablement cet édifice de pierre, Notre-Dame de Paris, dans l’imaginaire d’une nation jusqu’à faire de cette église la maison de tous les Français ? Les noms propres de Quasimodo comme celui de Gavroche des Misérables n’appartiennent-ils pas depuis longtemps au langage courant ? De noms propres ne sont-ils pas devenus noms communs, communs à tous, pour tous ? Pourquoi ce symbole de notre histoire auquel nous tenons tant ? Oui, la peine et l’affliction sont grandes. Cette dame sur un quai de la Seine qui réclamait l’intervention des Canadairs en s’écriant: « C’est plus qu’un bâtiment qui brûle, c’est notre histoire ! » Quoi de plus à la fois personnel et collectif que l’Histoire, ce présent de tous s’installant dans la mémoire donc dans la durée, donc dans le tissu de l’existence d’un peuple.

 La vue de la flèche de cet édifice sacré et consacré, national et universel, reliant la Terre au Ciel, les hommes à leurs rêves, se cassant et puis s’effondrant sur elle-même, a brisé le cœur des plus endurcis. Notre-Dame de Paris ! A prononcer ces mots, un sentiment infini de considération, d’estime et d’affection envahit celle ou celui qui parle, tout comme celles et ceux qui écoutent. Car l’intense émotion qui frappe les catholiques s’étend non seulement aux autres croyants mais plus bien largement à celles et ceux en qui les valeurs humanistes sont ancrées et pour qui tout être, croyant ou non, est d’abord sa soeur, son frère. Car la religion pour être parfois, selon Marx, « l’opium du peuple» est d’abord, selon le même, « le soupir de l’âme oppriméel’âme d’un monde sans cœur. »

D’aucuns voient déjà, dans ce malheur, un signe des temps, de l’incurie de notre temps. Peut-être. Pour nous, retenons en ce début de Semaine sainte que les moments les plus forts de ce récit chrétien nous conte la Passion, c’est-à-dire la souffrance endurée dans la dignité pour aboutir à l’idée de Résurrection, c’est-à-dire de renaissance, de renouveau. C’est du reste sa force.

Sans doute que dans ces instants durant lesquels a eu lieu ce qu’il faut bien nommer un partage fraternel, une communion, devant le terrible incendie qui a ravagé Notre-Dame, communion qui perdure, pouvons-nous constater, dans notre société atomisée par la recherche mortifère de l’avoir, le besoin irrépressible et redoublé d’être ensemble autrement. Il nous est possible également de nous souvenir de ces paroles du chef des catholiques, le pape François qui, pour qualifier « le désir sans retenue de l’argent qui commande » employait l’expression de « fumier du diable ».

L’émoi provoqué par ce qu’un quotidien national nommait Notre- Drame tandis que le New York Times consacrait dès hier soir un long article à cette tragédie, l’émotion populaire, sont indéniables. En dépit de la dimension médiatique, ce saisissement n’est pas superficiel, il témoigne que, dans notre diversité même, le patrimoine nous constitue.

Ainsi, qu’on le veuille ou non, qu’on le sache ou pas, ce mardi 16 avril 2019, nous rappelle que nous avons été, que nous serons un jour ou l’autre, que sommes tous, en quelque sorte, des passagers de la cathédrale.

Sept pages spéciales Notre-Dame dans l’Humanité mercredi

Demain mercredi dans l’Humanité lire l’événement par Maurice Ulrich, au cœur en feu de Paris, notre reportage auprès du peuple de Paris bouleversé, notre entretien avec l’historienne Simone Roux, le récit de l’intervention exceptionnelle des pompiers, nos articles sur l’enquête en cours, la reconstruction et son financement. Un numéro spécial de l’Humanité chez les marchands de journaux mercredi matin.

10 réflexions sur “Notre Dame ravagée

  1. « Les plus grands produits de l’architecture sont moins des oeuvres individuelles que des oeuvres sociales ; plutôt l’enfantement des peuples en travail que le jet des hommes de génie »

    Notre-Dame de Paris (1831)
    Victor Hugo

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  2. Notre Dame de Paris : une aide de Tremblay en France

    16 avril 2019
    Patrimoine commun de toute l’humanité, les images de Notre-Dame de Paris en flamme nous remplissent tous d’un immense chagrin. Mais la cathédrale sera reconstruite, et les Tremblaysiens participeront à l’effort national qui va s’engager pour sauver ce monument. François Asensi, maire de Tremblay, va proposer ce jeudi 18 avril au conseil municipal de prendre une délibération pour contribuer financièrement aux prochains travaux.

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  3. Alexandre Gady

    L’historien de l’art Alexandre Gady pointe par ailleurs le manque de budget alloué au patrimoine. « Nous disons depuis des années que le budget des monuments historiques est trop faible, qu’on en fait une variable d’ajustement, mais à un moment, ça devient des problèmes de sécurité graves », estime-t-il au micro de Franceinfo. Et d’ajouter : « L’état du patrimoine n’est pas du tout à la hauteur du niveau d’un grand pays. On a rogné sur les budgets, cherché des pis-aller, jusqu’au dernier, le loto du patrimoine. Tout ça est bien sympathique, mais le patrimoine, c’est une charge régalienne, c’est l’image de la France, c’est notre histoire ! À force de faire des petits bouts de trucs à droite et à gauche, on finit par le mettre en danger. »

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  4. Flèche bleue

    Quelle flèche pour la nouvelle Notre-Dame?

    Le Premier ministre a également lancement d’un « concours international d’architecture sur la reconstruction de la flèche » de Notre-Dame, détruite dans l’incendie qui a ravagé la cathédrale lundi soir. L’objectif est de « doter Notre-Dame d’une nouvelle flèche adaptée aux techniques et enjeux de notre époque ». « La question est de savoir s’il faut reconstruire la flèche à l’identique », a t-il précisé.

    NB : nous aussi on cherche une flèche. Pour la mairie. Enfin, pour le poste de maire. Qqn d’adapté aux techniques et enjeux de notre époque. Pas comme à l’identique de celui qui trône sur la clé de voute du gros bureau en salle des mariages…

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    1. tic tac toc

      En matière de technique, c’est clair que chez nous aussi c’est un véritable drame : les micros étaient foutus la dernière fois !
      Drôle de d(r)ame puisque cela a touché qqn en coma éthique. Epistomologique ? Antalgique ?
      Et toc ?

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  5. Notre-Dame-de-Paris : l’État doit prendre ses responsabilités

    Réaction des sénateur communistes :

    Hier, la cathédrale Notre-Dame-de-Paris, qui compte parmi les chefs d’œuvre architecturaux de notre pays, a été ravagée par les flammes. L’effroyable incendie de ce joyau patrimonial a suscité une émotion planétaire et plongé l’immense majorité de nos compatriotes dans le désarroi et l’affliction.

    Ce drame vient rappeler l’importance et la fragilité de notre patrimoine, qui constitue le bien commun de tous les Français, par-delà leurs convictions religieuses ou politiques.
    L’urgence est aujourd’hui de reconstruire Notre-Dame.

    Depuis, les appels aux dons se multiplient et le Président a annoncé la mise en place d’une souscription nationale pour rebâtir la cathédrale ravagée.

    Si nous saluons l’élan de générosité des Français, qui aspirent à participer au sauvetage de ce monument emblématique, cela ne saurait suffire.

    L’État doit prendre ses responsabilités.

    Cela fait des années que les associations de protection du patrimoine déplorent, en effet, l’insuffisance du budget des monuments historiques et ses conséquences sur la protection et la préservation de notre patrimoine.

    Le terrible incendie survenu hier soir doit être l’occasion d’une prise de conscience collective de la nécessité pour l’État de porter une attention renouvelée à la protection de notre patrimoine et d’éviter l’écueil d’une privatisation à marche forcée de la politique patrimoniale de notre pays.

    Nous attendons en conséquence du gouvernement qu’il annonce, dans les prochaines semaines, un plan de réfection de Notre-Dame à la hauteur des besoins, afin que les délais nécessaires à la réalisation des travaux ne soient pas soumis au seul bon vouloir des donateurs.

    Au courage dont les pompiers ont su faire preuve pour éviter que Notre-Dame ne s’effondre et sauver des œuvres d’art inestimables doit succéder un volontarisme sans faille des pouvoirs publics.

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  6. Franceinfo
    Les milliardaires et les entreprises qui donnent pour Notre-Dame sont-ils vraiment si généreux ?

    Depuis l’incendie de la cathédrale, les promesses de dons des grandes fortunes françaises affluent. Des millions d’euros qui seront en partie financés avec l’argent du contribuable.

    Des millions d’euros pour rebâtir la cathédrale. Au lendemain de l’incendie de Notre-Dame de Paris, plusieurs grandes fortunes françaises ont sorti, mardi 16 avril, leur carnet de chèques et promis d’importants dons. La famille Pinault, propriétaire du groupe de luxe Kering, a promis 100 millions d’euros, suivie par le groupe LVMH et la famille Arnault, première fortune de France, qui a annoncé un don de 200 millions, tout comme la famille Bettencourt-Meyers et le groupe L’Oréal. Total entend de son côté donner 100 millions d’euros, la famille Bouygues 10 millions et la famille Decaux 20 millions d’euros. Des sommes conséquentes, dont l’importance est toutefois à relativiser.

    Ces gestes donnent droit à d’importantes réductions d’impôts, qu’ils soient réalisés à titre personnel ou via leurs entreprises respectives. Dans le premier cas, un don permet une « réduction de l’impôt sur le revenu égale à 66% du montant des dons dans la limite de 20% du revenu imposable », peut-on lire sur le site Service-public.fr. Si un particulier fait un don de 1 000 euros, il obtient donc 660 euros de réduction d’impôts. La réduction d’impôts est encore plus intéressante si le particulier est assujetti à l’impôt sur la fortune immobilière (qui a remplacé l’ISF) : elle est alors de 75%, dans la limite de 50 000 euros.

    Pour les entreprises, le principe est similaire. Pour un don à une « œuvre d’intérêt général », un mécène privé voit son impôt sur les sociétés réduit de 60% dans la limite de 0,5% de son chiffre d’affaires annuel. Certaines voix, dont celles de l’ancien ministre et collaborateur de la famille Pinault, Jean-Jacques Aillagon, se sont élevées pour demander qu’une réduction spéciale de 90%, réservée aujourd’hui à l’achat public d’œuvres jugées « trésor national », soit appliquée dans le cas de Notre-Dame. Un traitement spécial qui n’a pas les faveurs du ministre de la Culture, Franck Riester, comme il l’a expliqué sur France 2.

    En 2018, L’Oréal a réalisé un chiffre d’affaires de 26,9 milliards d’euros, ce qui lui donne le droit à une réduction maximum de 134 millions d’euros. Son don de 100 millions d’euros va lui donner la possibilité de déduire 60 millions d’euros du milliard d’impôts sur les sociétés dont s’acquitte le groupe, selon La Croix.

    L’opération sera en revanche très intéressante pour Total, note Libération. Avec son don de 100 millions d’euros, le groupe peut prétendre à une réduction d’impôts de 60 millions d’euros, alors qu’il n’a payé que 30 millions d’euros d’impôts sur les sociétés en 2016. La loi lui permet même de reporter l’excédent sur les 5 années suivantes. En clair, si le montant de son impôt sur les sociétés est toujours de 30 millions d’euros, Total pourrait ne payer aucun impôt sur les sociétés pendant deux ans.

    Toutes ces ristournes inquiètent le député LR Gilles Carrez, rapporteur spécial du programme patrimoine pour la commission des finances de l’Assemblée nationale. « C’est la collectivité publique qui va prendre l’essentiel [des frais de reconstruction] en charge, explique-t-il au Monde. Sur près de 700 millions d’euros [de dons annoncés le 16 avril], environ 420 millions seront financés par l’Etat, au titre du budget 2020 ». A l’opposé de l’échiquier politique, l’économiste Maxime Combes, du mouvement Attac, dénonce un « indécent Téléthon des milliardaires » et propose que ces entreprises et grandes fortunes paient « leurs impôts, tous leurs impôts ». Une référence à l’évasion fiscale pratiquée par certains.

    Ces protestations semblent avoir été en partie entendues. Mercredi matin, Jean-Jacques Aillagon a retiré sur France Inter sa proposition de réduction à 90%. Et la famille Pinault a finalement annoncé qu’elle ne demanderait pas sa déduction fiscale. Elle « considère en effet qu’il n’est pas question d’en faire porter la charge aux contribuables français », indique dans un communiqué, François-Henri Pinault, président de la holding familiale et PDG du groupe de luxe Kering.

    D’autres voix se sont élevées pour remettre en perspective le montant de ces dons, en les comparant avec la fortune personnelle des intéressés. Selon le magazine américain Forbes (en anglais), qui réalise chaque année un classement des milliardaires, la fortune de Bernard Arnault et sa famille s’élève à plus de 67 milliards d’euros. Avant éventuelle réduction d’impôts, son don correspond donc à environ 0,15% de sa fortune personnelle. Si on transpose ce montant à un salarié au smic, qui gagne environ 1 200 euros net mensuel, cela correspondrait à un don de… 1,8 euro.

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