Je ne résiste pas au plaisir de partager cette chronique de Francis Combes et Patricia Latour, parue dans l’Humanité de ce jour. En cette période de « Congrès » du côté des communistes, voici un peu de poésie -et d’humour- dont nous avons bien besoin.
Dans un poème écrit à l’occasion du XIe congrès du PCF, qui s’est tenu à Strasbourg du 25 au 28 juin 1947, Paul Éluard écrivait : « Ô Congrès mot malin mot innocent mot simple ».
Ce vers a peut-être intrigué quelques délégués et ils auraient eu raison. Éluard qualifiant le mot congrès de mot malin faisait en effet très certainement allusion au sens ancien que ce mot eut et qui désignait l’union sexuelle entre deux individus. Aujourd’hui ce sens est quasiment oublié, mais on le retrouve par exemple dans les traductions classiques du Kama-sutra qui évoquent les différentes formes possibles et parfois acrobatiques de « congrès ».
Il servit aussi à désigner, jusqu’au XVIe siècle, une épreuve judiciaire censée vérifier, devant témoins et magistrats, l’aptitude des époux à la « conjonction », et particulièrement l’impuissance ou non du mari… Cette coutume a finalement été abandonnée, car elle n’était guère fiable, les époux perdant parfois leurs moyens en public. Le mot vient bien sûr du latin « congressus », réunion. Au Moyen Âge, on disait « congriier » pour se rassembler. (Et « congréer », qui paraît proche mais avait une autre origine, signifiait « plaire »). Tout ceci est plutôt agréable… Le sens moderne s’est cependant affirmé assez tôt, au XVIIe siècle, déjà sous l’influence de l’anglais, « congress » venant lui-même de l’ancien français, pour désigner une rencontre, souvent diplomatique. On connaît ainsi le congrès de Westphalie, en 1648, qui mit fin à la guerre de Trente Ans entre nations catholiques et protestantes.
Évidemment, tout congrès (qu’il s’agisse d’un congrès d’amour ou d’un congrès politique) suppose « débat » (au sens ancien de se débattre, se battre, se disputer, soutenir des positions…). Mais avec la volonté de finir par s’unir.
Dans le mot congrès, le préfixe « con » ne se rapporte pas, contrairement à ce que le contexte pourrait laisser supposer, au sexe de la femme (et n’a évidemment pas le sens idiot qu’une insulte déplacée lui a donné par la suite) mais vient du latin « cum » : « avec », présent dans de nombreux mots français. Comme dans le mot « communiste ». L’étymologie de cet autre mot n’est pas mystérieuse mais on peut noter que la famille des mots proches est nombreuse. Toujours au Moyen Âge le mot « comune » désignait le peuple, « comunaille » la réunion et « comunal » ce qui se fait ensemble, se partage…
Ce poème d’Éluard appartient au recueil Poèmes politiques, où se mêlent amour et politique, le malheur du poète (suite à la mort de Nusch) et son effort pour aller vers les autres, « cherchant la vie la vie de tous ». Pour passer comme il le dit « de l’horizon d’un homme à l’horizon de tous ».
Pour mémoire, Francis Combes a été conseiller général du canton de Sannois/Saint Gratien de 1978 à 1985 et élu municipal de Saint Gratien de 1983 à 1989. Il a été l’un des fondateur des éditions Le Temps des Cerises. Il a dirigé cette maison d’édition pendant 18 ans (1993-2011), il a également présidé l’association des éditeurs indépendants, L’Autre livre pendant une dizaine d’années. Pendant quinze ans, il s’est occupé, avec le poète Gérard Cartier, de la campagne d’affichage poétique dans le métro… Homme d’engagement, il mène en même temps une importante activité en tant que poète. Il a publié une quinzaine de recueils, dont La Fabrique du bonheur, Cause commune, Le Cahier bleu de Chine ou La Clef du monde est dans l’entrée à gauche. Ses poèmes sont traduits en plusieurs langues et il traduit aussi plusieurs poètes étrangers (Heine, Brecht, Maïakovski, Attila Jozsef, des poètes américains…). Visitez son blog !